Chronique

Majid Bekkas

Joudour

Majid Bekkas (guembri, oud, g, n’goni, bouzouki, kalimba, balafon).

Label / Distribution : Igloo

Le producteur belge de Majid Bekkas voulait fêter comme il se doit les vingt ans de l’album « African Gnaoua Blues » sur son label, IGLOO Records. Aussi lui a-t-il proposé de réaliser un nouveau disque qui renouerait avec la magie de ce qui, pour un coup d’essai en 2002, avait été reçu comme un coup de maître. Dix-sept albums en une vingtaine d’années, donc, pour cet ancien professeur de guitare classique originaire de Rabat, adoubé par les mââlems d’Essaouira en tant que gardien du temple de la musique gnawa, ce blues créé par des descendants d’esclaves originaires d’Afrique subsaharienne, au Nord-Ouest du Sahara, il y a plus d’un siècle. Si Bekkas est surtout connu pour sa pratique du guembri, cette basse dont la caisse de résonance est recouverte de cuir et dont les cordes sont en boyaux, et pour son chant incantatoire en arabe, il se révèle ici multi-instrumentiste, jouant également de la guitare, de la basse électrique, ou même du balafon - vibraphone entièrement en bois originaire du Mali.
Non content de synthétiser des courants musicaux méditerranéens et africains avec un naturel étonnant, il teinte également ses compositions de sonorités orientales par l’adjonction de tablas. Initié dans la vertu curative de son patrimoine musical (les musiques gnawa étant censées avoir des propriétés thérapeutiques grâce à la transe), il sait concocter des grooves redoutables. Avec le batteur Karim Ziad, expert en polyrythmies, il enrichit sa palette dansante. Enfin, en musicien universel, il a confié à son compère belge Manuel Hermia le soin d’instiller des parties de flûte traversière et de saxophone aux effluves de contes. Un livret fort bien imagé, avec les paroles traduites, permet de se faire une idée de la spiritualité soufi de ce musicien incontournable des scènes de jazz internationales, qui revendique ici ses racines (« joudour » en arabe). Un traitement musical à prescrire aux islamophobes de tous poils et de toutes nationalités.

par Laurent Dussutour // Publié le 7 janvier 2024
P.-S. :

Avec : Manuel Hermia (ts, ss, bansuri), Michael Hornek (p), Childo Tomas (b), Karim Ziad (dm) Khalid Kouhen percussions, tablas, penderos, calabas Bouhssine Foulane ribab Adil Chorfi nei Mustafa Antari derbouka, rik Biboul Darwiche congas Gnaoua Chaouki chœur Mbemba Diabate kora Marylène Ingremeau chœur