Chronique

Marc Ducret Christophe Monniot

Dernier Tango

Marc Ducret (eg), Christophe Monniot (s)

Label / Distribution : Jazzdor Series

Familiers, l’un comme l’autre, de leurs univers respectifs (le saxophoniste joue dans Métatonal, le guitariste jouait dans Monniot Mania et Une Nouvelle Terre), Marc Ducret et Christophe Monniot se rapprochent encore au sein du duo Dernier Tango où la guitare s’associe aux saxophones avec enthousiasme et volubilité. Faisant feu de tout bois sur des partitions dont ils se partagent les signatures, ces deux hérauts d’une musique libérée des étiquettes, et adeptes d’un propos généreux et stimulant, s’en donnent effectivement à cœur joie, en redoublant de prouesses acrobatiques.

Chaque titre compte son lot d’idées composites, toujours porteuses cependant d’une tonicité qui en fait le liant et qui emporte aussitôt l’adhésion de l’auditeur. On entend tout un monde qui va d’un rock puissant à un jazz cérébral, voire une musique traditionnelle rétro-futuriste ou une écriture contemporaine (notons au passage la pièce Bishapour du compositeur Michel Pétrossian). Rien ne semble les rebuter de cet art universel qui consiste à combiner les sons entre eux.

Les lignes se croisent, se faufilent l’une sur l’autre. Elles se frottent parfois au point d’éclater en étincelles multiples dans les moments où les emballements créent des collisions fructueuses, dues autant à des constructions alambiquées qu’à des improvisations débordantes. Les configurations sont, en effet, plurielles, et les voix changeantes. Quoiqu’en duo, chacun s’empare des nombreuses fonctions à sa disposition (basses tournantes, riffs insistants, ornementations éclatantes et envolées dans les cimes) avec suffisamment d’astuce et d’immédiateté pour en amplifier les effets, entretenant ainsi un dialogue mobile à plusieurs voix.

Cette musique qui joue vite – et pas seulement du seul fait de la vélocité instrumentale - réclame un qui-vive de tous les instants pour ne pas s’égarer et tenir ensemble la globalité de la forme comme le fourmillement des détails. Savoureusement cérébrale, elle est surtout un jeu de l’esprit, à l’affût car toujours affûtée. Sans verser dans l’abstraction, le plaisir euphorique que prennent les musiciens à échanger suffit à combler l’oreille de l’auditeur. Un an après le duo qu’il compose, par ailleurs, avec Samuel Blaser (Voyageurs déjà chez Jazzdor Séries), Ducret se montre gourmand d’investigations nouvelles ; flanqué d’un trublion aussi généreux et gracieux que Monniot, leur association se place bien évidemment dans le prolongement d’un parcours qui les a amenés jusque là mais, surtout, prolonge une joie de l’inouï et un désir jamais assouvi de toujours aller plus loin.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 18 décembre 2022
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