Sur la platine

Metzger et Brousseau font une pause

Retour à la source pour un duo filmé.


Reconnu et approuvé, voire historique à bien des endroits, le studio Sextan ne perd toujours pas le Nord. Situé à Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, il participe depuis 40 ans à l’enregistrement de nombre de disques ayant participé à l’avancée du jazz hexagonal. Avec comme vitrine le label Pee Wee, très actif durant les années 90 et réactivé dernièrement, le studio complète aujourd’hui sa défense et illustration d’une musique créative, manufacturée avec un savoir-faire authentique et une ambition artisanale, par une série de captations vidéos mises régulièrement en ligne et qui lui permettent de s’inscrire plus avant dans son époque.

Avec pour nom PAUSE, la ligne éditoriale tient entière dans le petit texte introductif suivant : « Une série de fragments musicaux filmés et enregistrés au studio Sextan. Dans un temps suspendu, distordu, modifié, quelques artistes choisis donnent à voir et entendre une partie de leur univers intérieur actuel. Un moment d’intimité, au plus près ; une proposition de passage entre l’avant et l’après, le temps d’une pause. »

Voici trois semaines, le studio filme le duo Matthieu Metzger et Paul Brousseau.

Avant la présente captation, il y eut celles de Cyril Atef, Dominique Pifarély et François Couturier, Andy Emler, Sophia Domancich (solo ou accompagnée de Simon Goubert), Jozef Dumoulin et Christophe Monniot ou encore Marc Ducret, qui sont toujours visibles. L’image soignée et le montage discret contribuent à rendre fluide la réception de la musique ; le son, bien évidemment, est irréprochable.

L’atmosphère est feutrée, Matthieu Metzger (principalement au saxophone soprano) et Paul Brousseau (piano) jouent la musique de leur duo Source. Le disque est sorti en 2017 sur le label Emouvance et cette collaboration, loin d’être occasionnelle ou révolue, voire anecdotique, est de celles qui durent, persistent et s’affirment chaque fois un peu plus. Les deux musiciens se côtoient, en effet, depuis longtemps (on les trouve déjà au sein de la formation Le Sens de la Marche de Marc Ducret en 2009).

Abandonnant, cette fois, les appareillages électroniques et machiniques auxquels ils sont, par ailleurs, attachés, ils se présentent entièrement dénudés. En acoustique pur, ils donnent à entendre une suite de pièces assez brèves et, durant les trente petites minutes que dure la vidéo, nous invitent à un voyage tout en retenue. L’entente musicale est dépourvue de toute afféterie ou démonstration inutile. Seul l’essentiel y trouve sa place.

Le piano de Brousseau est impressionniste. Par des touches délicates, il déploie des couleurs nuancées, souvent d’une mélancolie contenue. Sans s’épancher, il dessine des paysages simples et justes, dans lesquels les silences sont des valeurs qui étirent le temps. Son partenaire les traverse dans le même état d’esprit. Les petites mélodies, le jeux de notes ou les acrobaties ne sont jamais hors sujet et apportent du tempérament à des compositions délicieusement concises.

En quelques pièces, saxophone et piano visitent une succession d’atmosphères introspectives ou dynamiques habitées par le souci d’une poésie au service de l’émotion, effectivement en dehors du tintamarre du monde, et aux apaisantes vertus thérapeutiques. Un avant-goût de ce qu’on aimerait découvrir, pour une durée plus longue, sur une scène avec un public.