Chronique

Mark Dresser Quintet

Nourishments

Rudresh Mahanthappa, s ; Michael Dessen, tb ; Denman Maroney, p ; Michael Sarin & Tom Rainey, dr

Label / Distribution : Clean Feed

Par son travail méticuleux et audacieux sur l’instrument, Mark Dresser tend, depuis de nombreuses années, à renouveler l’approche de la contrebasse. Reconnu par ses pairs, lauréat de maints prix, il participe à de nombreuses expérimentations en solo ou auprès de fortes personnalités comme Anthony Braxton, Tim Berne ou John Zorn. Il compte plus de cent vingt collaborations en sideman mais sa discographie de leader est encore maigre. A ce titre, l’arrivée, sur le label Clean Feed, d’un nouvel album signé de sa main - le premier depuis 2005 - constitue un événement.

Ces sept plages réunies sous le titre de Nourishments trouvent un parfait équilibre entre une complexité cachée et une immédiateté quasi classique qui fait écho à la pochette, reproduction d’une nature morte du XVIIe - fromages, pommes et noix. Ce sera donc dans l’art d’agencer les couleurs et les timbres, dans le rythme ample, que résidera l’intérêt du disque. Aucune redite cependant, pas plus que de reprises : Dresser reste un musicien de la créativité. Tout est neuf, mais rien n’est là pour perturber l’auditeur. Simplement, il file la métaphore nourricière : tout ce qu’il a pu assimiler, digérer depuis ses débuts se transforme ici en énergie nouvelle.

Deux soufflants avancent en première ligne dans une alternance de tension et de détente : le saxophone alto, volubile et virtuose, de Rudresh Mahanthappa et le trombone plus suave et sensuel de Michael Dessen, qui apporte une complémentarité gracieuse et féline. Derrière, le piano préparé (ou hyperpiano) du vieux complice de Dresser, Denman Maroney, s’associe à la basse pour introduire de stimulantes dissonances et distorsions. Les batteurs Michael Sarin ou Tom Rainey, selon les plages, viennent, quant à eux, appuyer ou déstabiliser le propos.

Ce quintet concocte une pâte onctueuse qui dissimule puis révèle la complexité des morceaux. Car plusieurs écoutes sont nécessaires pour différencier la Nature Morte du Trompe l’œil. Ici, en effet, la musique réserve constamment des surprises. Dans les structures alambiquées, aux creux des cycles complexes aux phrases entêtantes, au sortir d’idées débouchant sur des univers insoupçonnés qui modifient la perspective générale, on perçoit un jeu permanent entre évidence et subtilité. A chacun de se nourrir, ensuite, de ces propositions, et d’en retirer tous les plaisirs, qu’ils soient gastronomiques ou énergétiques.