Chronique

Mark Dresser

Tines of change

Mark dresser (cb)

Label / Distribution : Pyroclastic Records

Dans le cercle étroit des contrebassistes qui, depuis quelques décennies maintenant, repoussent les limites de leur instrument, comptons (en toute subjectivité comme à l’emporte-pièce) Barre Phillips, Joëlle Léandre, Barry Guy et bien évidemment Mark Dresser. L’instrument, certes difficilement maniable mais d’une palette expressive large, toujours sous-estimé, est le support d’une démarche exploratoire qui permet, tant par les capacités qu’il recèle que par la puissance de son exécution, de développer des architectures sonores uniques.

Ce disque, qui sort chez Pyroclastic, n’est pas le premier exercice en solitaire de Mark Dresser puisque trois autres enregistrements au moins témoignent de cette pratique dans sa discographie. Plus précisément, il prolonge une recherche engagée depuis une vingtaine d’années sur des extensions possibles de la basse en collaboration avec le luthier Kent McLagan.

Mark Dresser module en effet, grâce à des capteurs tenus en main depuis le manche, des notes émises dont il peut varier les hauteurs selon trois niveaux différents. Plus récemment, il a fait ajouter par le même luthier une série de tiges de métal (les tines du titre) lui permettant d’utiliser également son instrument comme une mbira africaine. Dernièrement, enfin, l’ajout d’une cinquième corde à cette basse augmentée est le moyen d’ouvrir plus largement le champ des possibles de son expressivité.

L’appareillage dont il se dote n’est pas expérimental sur le seul plan de la technique. Mark Dresser, au contraire, se montre capable d’une imagination sans limite pour creuser les potentiels qui se présentent à lui. La précision du son, tant dans les graves que dans les aigus, offre une amplitude large. Elle permet de saisir toutes les nuances et d’envisager toutes les dynamiques. En usant ainsi de ces capacités, le solo prend une dimension orchestrale : Dresser joue des alliances de timbres et des effets de points/contrepoints avec inventivité et une maîtrise technique indéniable.

Bien inscrit dans la dimension physique du son, il élabore des charpentes acoustiques solides extrêmement concrètes que des adjonctions possiblement électroniques (à moins que ce ne soit le métal des tiges) viennent altérer avec sophistication. On assiste avec fascination à un exercice neuf et réussi qui projette la musique dans une actualité vivante, jubilatoire, à découvrir.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 9 juillet 2023
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