Scènes

Mary Halvorson Sextet au Petit Faucheux

Mary Halvorson présente Amaryllis avec son sextet sur la scène du Petit Faucheux.


Mary Halvorson Sextet, photo Rémi Angéli

Mary Halvorson défend son disque Amaryllis lors d’une tournée européenne d’une quinzaine de dates qui la voit jouer aux Pays-Bas, en Allemagne, Slovénie, Norvège et Autriche notamment. Avec un soir en France : c’est le Petit Faucheux qui l’accueille et permet au public français d’écouter une des voix pertinentes du jazz de création sur un programme particulièrement réussi. 

Mary Halvorson © Jean-Michel Thiriet

Nous avions défendu le double disque Amaryllis / Belladonna dans les colonnes de notre magazine pour la qualité de son écriture et l’utilisation équilibrée de l’instrumentarium choisi. Après pareil enthousiasme, l’attente était forte de voir le sextet en concert, avec un questionnement toutefois : l’intensité inévitable (et toujours souhaitable) de la musique interprétée sur scène n’allait-t-elle pas déstabiliser l’équilibre délicat trouvé en studio ?

Mary Halvorson entre avec les musiciens de son sextet. Nous avions déjà eu l’occasion de l’entendre en sextet au même endroit voici quatre ans, autour de son programme Code Girl, mais l’orchestre a été remodelé depuis. Aux côtés du fidèle Tomas Fujiwara (avec qui elle entretient une relation artistique au long cours), Nick Dunston tient la basse. Adam O’Farrill est toujours à la trompette, mais ce sont le trombone de Jacob Garchik et le vibraphone de Patricia Brennan qui complètent l’ensemble. Ils attaquent sans formalité avec le tubesque « Night Shift » qui ouvre aussi le disque.

Le tempo, les pupitres, tout est là. Avec un peu moins de tranchant toutefois, on craint de voir nos doutes se justifier. Très vite, l’efficacité du morceau prend le dessus et nous sommes emportés. Et ce n’est qu’un début. Sans transition entre les titres, sans dire quoi que ce soit (que ceux qui aiment voir des leaders haranguer les foules n’attendent rien de Mary Halvorson : si elle pouvait disparaître derrière sa guitare, elle-même cachée derrière l’ampli, elle le ferait certainement), la guitariste pose un répertoire connu sur le bout des doigts d’où se détachent un sens mélodique indéniable et une dynamique générale toujours renouvelée.

Mary Halvorson © Rémi Angéli

Mieux, au travers de ce qu’elle présente sur scène, elle s’appuie réellement sur des individualités au service du propos, mais qui n’oublient pas de se dépasser pour mieux le soutenir. Il en est ainsi de la paire rythmique, impressionnante de cohésion et qui offre un groove fortement stimulant. La trompette de O’Farrill est très inventive et trouve un juste milieu entre des interventions aux effets immédiats et quelques phrases plus audacieuses. Moins spectaculaire mais tout aussi efficace, le trombone pose quelques solos d’une belle facture. C’est pourtant la vibraphoniste qui ce soir-là attire tous les regards. Entièrement tournée vers le son d’ensemble, elle glisse des nappes ondulatoires qui sont l’apanage de son instrument ; surtout elle est, dans tous les domaines, la pièce indispensable qui offre des propositions rythmiques fortes et colore l’ensemble de l’édifice. Quelques solos plus loin, nous voilà totalement séduits par son jeu.

Subsiste cependant, quelque part dans notre esprit, une autre question. Nous évoquions dans la chronique du disque, l’entertainement accompli du répertoire. Pointe alors la crainte de voir Mary Halvorson, après des années d’avant-gardisme réussi, infléchir le cours de sa carrière vers des musiques plus accessibles certes, mais moins chercheuses. Il n’en est rien bien sûr de la prestation donnée ce soir-là et quelques morceaux tortueux ne vont pas dans le sens de nos craintes, l’équilibre étant toujours atteint. Mais l’admiration portée à son travail, la nouvelle direction prise dans son parcours ces dernières années, invitent toutefois à un tel questionnement.