Chronique

Mazur / Pursglove / Lopez

Threefold

Rafal Mazur (b), Percy Pursglove (tp), Ramon Lopez (dms, perc)

Label / Distribution : Not Two Records

Âmes sensibles, accourir. La rencontre presque fortuite entre le batteur Ramon Lopez et le trompettiste anglais Percy Pursglove dans l’orchestre de Barry Guy ne promettait pas forcément autant de douceur. Pourtant, dans « Three Musicians » qui ouvre Threefold, l’album témoin de cet élan du cœur, on est tout de suite charmé par le velours des forces en présence. Le son des percussions de Lopez est franc, cristallin presque, et ne se perd pas en frappes inutiles. Le son de la trompette de Pursglove est pur, sans scories. On pourrait se croire parfois dans une partition classique, n’étaient les éclairs déclenchés par la base rythmique : pour clore le trio, c’est le bassiste polonais Rafal Mazur qui vient apporter le son très rond de ses quatre cordes électriques, idéal complément des timbres en présence.

Les trois musiciens ne sont pas là pour la bagarre. Dans « Pintura 10 », morceau central qui révèle le besoin de couleur et de lumière dans le clair-obscur volontaire du trio, la trompette se salit un peu. Pursglove quitte ses atours solaires à la Wheeler pour se faire excavateur, va fouiller dans les basses au-delà de Mazur pour réveiller quelques tensions. Tous les sédiments déposés dans le calme depuis le début de l’album s’agitent, à l’image du drumming de Lopez devenu soudain plus tendu, mais ce n’est que pour mieux retomber en pluie fine et colorée. L’image qui vient, c’est un caillou qui pénètre une eau calme : les ridules formées par le choc se dissipent à mesure que tout revient à la normale.

Certes, « Bacchanal » qui lui fait suite est un morceau gourmand et agité, la basse de Mazur devient rude et insistante, la trompette plus soudaine… Mais ce n’est avant tout qu’une manifestation de liesse, le bonheur évident de ses trois musiciens à jouer ensemble sans ferrailler. On est loin des rencontres explosives du bassiste avec ses amis canadiens Carrier et Lambert… Et pourtant, dans cette autre rencontre internationale qui célèbre l’Europe de la musique improvisée, il y a la même soif de jouer, de découvrir, d’expérimenter. Sans les dispositifs de tension qui sont souvent à l’œuvre dans ce contexte. Un joyeux moment de sérénité.