Chronique

Meier/Hanes/Amberg

Staggered Twisted Angled

David Meier (dms), Simon Hanes (b), Elio Amberg (ts)

Label / Distribution : Wide Ear Records

Nouvelle parution du label Wide Ear Records, Staggered Twisted Angled est une forme de résumé de tout ce que l’aventureux label suisse peut proposer depuis des années. Organisé en trio, chimie pure de cette musique râblée et hérissée de métal, le disque s’articule autour du batteur David Meier. On a pu entendre ce pur produit de Lucerne avec Alfred Zimmerlin ou avec Things to Sound, auquel ce disque ressemble. En effet, un morceau comme « Drowsed », hanté par la basse électrique pleine d’effets de Simon Hanes, agit comme un principe actif grouillant d’enzymes prêt à rogner toutes les surfaces, avec lenteur et méthode. Certes, avec « Weirded », le propos devient agressif, la basse cogne comme un punk furtif qui sortirait d’une longue léthargie… À ses côtés, la batterie est insatiable, mais elle n’est pas omniprésente : elle ponctue, elle caresse quelques fines particules de cuivre et se joue du feulement du saxophone.
 
Ce n’est pas Tobias Meier, frère du batteur, que l’on retrouve ici, mais Elio Amberg, que l’on avait connu dans des registres belliqueux. C’est ainsi le cas de Iety avec la pianiste Laura Schenk ; certes, il y a « Wiped » où Amberg joue au corps-à-corps avec la basse en cognant plus que de raison, mais tout au long du disque le ténor se saisit davantage des temps longs et s’immisce dans la noirceur générée par Meier et Hanes. Cela commence dès « Faced » qui ouvre l’album : la batterie est un roulement nerveux, aiguillonné par la basse qui se heurte au saxophone et mute en bruits étranges livrés par un dédale de pédales d’effets. Le résultat est bruitiste mais sans outrance.
 
C’est avec « Splattered » que le trio livre une matière vraiment aboutie et indubitablement réjouissante. Le morceau est long et fonctionne comme une grande vague. D’abord calmement puis de plus en plus fort, au gré des levées de batteries et des remontées acides du saxophone. Parfois, des sons qu’on imagine générés par la basse viennent tout balayer, comme une lame de fond. Il y a une tension dans ce disque qui explose de manière sporadique, malgré des remontées très progressives. C’est une marque de fabrique des trios de Wide Ear, et c’est un plaisir renouvelé.

par Franpi Barriaux // Publié le 22 novembre 2020
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