Chronique

Things To Sounds

Organism

Tobias Meier (as), Yves Theiler (p, Rhodes), David Meier (dms)

Label / Distribution : Wide Ear Records

Cofondateur du label Wide Ear Records qui publie le premier album du trio Things to Sounds, le saxophoniste alto Tobias Meier invite deux musiciens de sa génération que l’on ne s’attendait pas forcément à entendre ensemble. Yves Theiler et David Meier démontrent à eux deux toute la vivacité de la scène helvète ainsi que son unité polymorphe. On avait pu remarquer, dans un duo avec Omri Ziegele, l’approche sensible et poétique d’un pianiste qui sait transcrire un sentiment en peu de notes. Quant au batteur, on le sait apparenté au label Veto Records, pour lequel il a notamment enregistré un album aux allures free rock avec son puissant trio, Schnellertollermeier.

Things to Sounds est une sorte de synthèse de ces deux univers, dont l’alto est le liant. Organism expose en quatre longues plages une atmosphère cotonneuse et inquiétante qui s’étend avec une langueur inexorable. Dans la première partie de « Hydra », Theiler égrène sur son piano quelques accords fragiles, bousculés par un fourbi de métal qui trame le silence. L’alto les accompagne, faussement serein, avant d’extirper une mélodie de ce magma. Cette dynamique s’enfle peu à peu et éclaire un propos galvanisé par le collectif. Elle oblige enfin le batteur à quitter ses mouvements abstraits pour une frappe plus sèche, pendant que Theiler martèle parcimonieusement les basses de son piano (il le troque parfois pour un Fender Rhodes qui électrocute les cliquetis de la batterie (« Faber »)).

Organism se construit autour d’un mouvement cyclique à la fois désordonné et rigoureux. Il emmène l’auditeur attentif depuis le cœur des ténèbres jusqu’à la lumière avant d’entamer un inéluctable retour vers l’ombre. C’est tout le propos de la suite « Hydra », mais aussi celui de « Delicate Matter » où les stridences de l’alto conduisent toujours à un silence fiévreux, chahuté par les griffures de métal des cymbales. C’est constamment sur le qui-vive qu’on chemine à travers ce premier album instable, énigmatique, qui ravira les curieux férus de contacts abrupts et physiques avec la masse sonore. Toute une génération d’improvisateurs en provenance de Suisse alémanique s’en est manifestement fait une spécialité.