Chronique

Théo Girard

Bulle

Théo Girard (b), Basile Naudet (as), Antoine Berjeaut (tp, flh), Sebastian Rochford (dms)

Label / Distribution : Discobole Records

Dans un précédent album, Théo Girard parlait de lui, de son âge, avec beaucoup de pudeur. Si Bulle ne semble pas, de prime abord, le concerner directement, on a le sentiment d’entrer dans quelque chose de plus personnel encore. En quartet, avec des vieux camarades comme le trompettiste Antoine Berjeaut et le batteur Sebastian Rochford qui constituaient l’équipe de 30YF, le contrebassiste livre dès « Champagne » une musique franche, directe, joyeuse et jubilatoire, qui joue avec des codes fanfarons tout en restant subtilement complexe. « La musique me met dans une bulle », nous dit le leader dans ses notes de pochette. C’est dans cette sphère qu’il nous invite, pétillante, légèrement enivrante et prête à éclater à tout moment. Une sphère intime qui nous place au milieu d’un quartet où le saxophoniste alto Basile Naudet vient donner ce surplus de puissance qui fait monter la pression, à l’image de l’énergique « Rototown ».

La contrebasse de Girard est franche, ronde et très en avant, cependant il n’y a aucune agressivité dans son approche, au contraire fort affable. Dans « Fire Alert », on trouve même entre les soufflants et la base rythmique une espièglerie, comme des gamins qui joueraient avec des allumettes. Une sorte de plaisir d’enfance, nullement régressif, mais celui du jeu, simple et collectif, où le batteur des Sons of Kemet apporte une sorte de groove naturel et sans effets superfétatoires, à l’image du bel échanges des « Grandes Dames ». Le quartet, collectivement, fait jouer son imagination, suit une trame fluctuante mais diablement terre-à-terre. Entre musiciens, on s’esquive comme on joue à touche-touche. Après les trente dernières années de la vie du contrebassiste, ce sont les dix premières, insouciantes et joyeuses.

Bulle est court. De bière ou de champagne, la durée de vie d’une bulle est proportionnelle à l’envie qu’elle suscite. Ce qui est délectable, c’est qu’elle ne s’évente jamais, et garde même toute sa puissance jusqu’à « Microsillon », où l’on trouve un beau chahut entre contrebasse et batterie. Bulle est fugace comme l’ivresse. Et c’est une des raisons pour lesquelles on jubile, d’autant qu’il n’y a ni effet secondaire, ni gueule de bois. Plaisir garanti.

par Franpi Barriaux // Publié le 8 décembre 2019
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