Chronique

Myra Melford & Ben Goldberg

Dialogue

Myra Melford (p), Ben Goldberg (cl)

Label / Distribution : Autoproduction

Il y a dans la notion de discussion une controverse. Une opposition. C’est bien pour cela que la pianiste Myra Melford et le clarinettiste Ben Goldberg ont choisi le terme de Dialogue pour définir leur premier album en duo. C’est un pas vers l’autre, le plus léger et doux possible. Les deux musiciens se connaissent bien : la pédagogue de Berkeley a déjà invité le clarinettiste au sein de son orchestre Be Bread, aux côtés de Cuong Vu. Il est par ailleurs célèbre pour être l’un des artisans du renouveau de la musique klezmer au sein de New Klezmer Trio, mais c’est dans son octet Orphic Machine qu’il a convié Melford. Un dialogue, donc, sous le signe de l’amitié, où les sensations priment.

« Miniature », où l’économie de détails offre un regard très impressionniste sur le duo, en est un parfait exemple ; le bruit des clés sur un souffle hésitant trouble à peine les rares accords de main droite qui s’éparpillent comme une pluie fine. Imprégné de spiritualité asiatique, Melford fait de la simplicité le raffinement ultime. C’est une direction qu’on l’avait vu prendre dans son solo Life Carries Me This Way, il se confirme ici (« City of Illusion »). Même dans « 1 Through 8 », ou la clarinette se faufile entre les clusters de basse véloces et puissants, elle parvient à infléchir toute velléité d’affrontement pour conserver l’aspect chambriste de cette conversation. Il y a entre les solistes, qui se partagent les titres à quasi parité, une complicité qui n’a pas besoin de connivence ni de virtuosité inutile. Si le piquant « The Kitchen » reste dense, dans un temps très court qui caractérise chaque pièce malgré les méandres du piano, c’est que Goldberg va piocher dans sa grande culture classique.

Voici le véritable paradigme de ce Dialogue où l’on croirait que le souffle de Messiaen vient attiser les braises de Cecil Taylor (« Be Melting Snow »). Le disque est très référentiel, sans pour autant citer quiconque de manière appuyée : la légèreté et la décontraction sont le credo majoritaire. Goldberg répète à l’envi que la clarinette est son instrument classique ; dans ce disque, il fusionne sans effort ses influences. Myra Melford est une vraie spécialiste du duo. On se souvient de Eleven Ghosts, avec Han Bennink sur le label Hat-Hut, ou encore récemment son apparition sur l’album de Roy Nathanson. Elle laisse beaucoup d’espace à son compagnon, mais ne se voue pas au silence. Chacun pimente le jeu de l’autre en s’abstenant de réclamer la paternité d’une recette construite sans faux-semblants ni postures surjouées. C’est tout l’art du dialogue.