Chronique

Nicola Sergio Trio

Flamants Roses

Nicola Sergio (p, comp), Mauro Gargano (b), Christophe Marguet (dm), + guest Jean-Charles Richard (ss)

Label / Distribution : Inouïe Distribution

L’envol de flamants roses sur les lacs africains est une image unique et un pur moment de grâce. Nicola Sergio a mis en valeur cet oiseau majestueux sur la pochette de son dernier disque mais sans complaisance appuyée ; car surgit alors l’envers du décor évoqué par le pianiste calabrais, en l’occurrence le marabout, volatile charognard et obscur. Le yin et le yang deviennent les éléments moteurs qui déterminent la construction de cet album, les personnages luttant pour la pacification devenant prétexte au bon déroulement des morceaux successifs.

L’art du trio se manifeste pleinement dans les compositions de Nicola Sergio, servies par la paire rythmique idéale incarnée par Mauro Gargano et Christophe Marguet. La référence qui nous vient est celle de Bill Evans mais le pianiste tient avant tout à rendre hommage à Fred Hersch avec cet album où le jeu en trio est harmonieux. Les idées compositionnelles de Nicola Sergio enchantent au même titre que sa Calabre natale, belle terre accueillant un des plus beaux festivals de jazz estivaux, à Roccella Jonica.

« Chant de sirènes », qui ouvre l’album, évoque Ulysse et la soif de savoir. Le morceau se présente comme une ascension mélodique où l’impressionnisme prime. Il est intéressant d’écouter les deux versions de « Flamants roses » dédicacées à Fred Hersch, l’une avec la maîtrise d’un jeu pianistique affirmé et où le saxophone soprano de Jean-Charles Richard vient s’insérer avec subtilité et l’autre version où la musique se recentre sur elle-même. « La Prière de l’autre », inspirée d’un athée priant pour un dialogue entre les religions, demeure une osmose réussie entre piano et saxophone tout en nous faisant découvrir le versant très mélodique du compositeur. Mais c’est bien « Marabout » qui fait sortir le trio de ses gonds, la musique s’installant dans une trame libertaire et percussive.

Nicola Sergio tient à rendre hommage aux juges siciliens Giovanni Falcone et Paolo Borsellino assassinés par la mafia avec « Le Chemin des deux héros ». Cette pièce musicale résume parfaitement l’esprit qui habite cet album généreux : un cheminement vers une splendeur incarnée par ces musiciens soudés.