Jorge Rossy

Telle une épure, le son nous envahit sans que nous puissions chercher à nous en échapper.
Est-ce dû au climat aérien engendré par la quasi-totalité des compositions apportées par Jorge Rossy ? La grande qualité du batteur catalan réside bien dans cette façon qu’il a d’apporter une corde de plus à son arc en rejoignant la famille des vibraphonistes. Les figures tutélaires dont la dernière syllabe se termine en chœur par « on » - Lionel Hampton, Bobby Hutcherson et Gary Burton - ont donné jadis leurs lettres de noblesse à cet instrument qui a marqué de manière singulière l’histoire du jazz.

Le jeu tout en retenue du leader ne nous fait pas oublier que ses deux compagnons de route, le contrebassiste Robert Landfermann et le batteur Jeff Ballard, sont continuellement en phase, anticipant quelquefois les directions engendrées par le vibraphoniste lors de ses envolées. En fait de racines intemporelles, on pourrait trouver ici l’écho du grand David Friedman, en particulier lorsqu’il s’épanchait avec grâce dans l’album « Triple Hip Trip » de Daniel Humair, mais les décennies ont passé : se pose alors la question de la musique d’aujourd’hui et de ses directions à venir. Jorge Rossy interroge.

Tout au long de l’album, la musique est empreinte de lyrisme et de retenue mais la particularité de « Puerta » est de faire oublier toute la rigueur méthodique qui en est le noyau central.
Rien n’est joué de manière démonstrative : le questionnement et les brisures de tempo apparaissent comme les moyens de ne pas surjouer une musique fortement introspective, mais bien plutôt de la sublimer. La plage intitulée « Post-Catholic Waltz » en est la parfaite illustration : on y ressent une notion d’intemporalité ; la démonstration soliste du batteur puis du contrebassiste lui succédant subitement au sein de cette mélodie presque trop évidente résume bien l’esthétique de cet album enchanteur. Musique à déguster attentivement.