Entretien

Or Bareket, précieux contrebassiste

Entretien avec le contrebassiste new-yorkais Or Bareket.

Or Bareket © Philippe Bertrand

Agé de trente-sept ans, Or Bareket est l’une des valeurs montantes de la contrebasse. Basé à Brooklyn, après avoir grandi principalement en Israël, il enchaîne les tournées à un rythme effréné, notamment aux côtés de la batteuse Savannah Harris. Lors de passage à Marseille avec cette dernière (avec aussi Godwin Louis au sax alto et Jeremy Corren au piano), il a plus que convaincu le public avec des compositions d’une profondeur musicale peu commune et par un art de la contrebasse des plus spirituel.

Or Bareket © Gérard Boisnel

- Comment concevez-vous votre art de la composition ?

Je ne sais pas vraiment. Je prends les choses comme elles viennent. J’étudie actuellement la composition et je pense que je fais en sorte de prendre en considération les questions qui me semblent intéressantes d’un point de vue musical. En tant que contrebassiste, je pense que j’ai commencé à me considérer comme un leader possible à l’approche de la trentaine, après mes premières années à New-York. J’ai appris la musique en Israël dès l’âge de 6 ans : j’ai étudié auprès de maîtres locaux de la musique classique, sans intégrer quelque école que ce soit, et, à l’adolescence, je me suis tourné vers le jazz, ce qui m’a amené à énormément apprendre sur le tas.
A New-York, j’aurais pu bénéficier de bourses mais j’ai préféré faire le métier, comme on dit. J’ai beaucoup appris du chemin pris par mes aînés comme Avishaï Cohen et Omer Avital, notamment de l’intégration de leur culture juive dans leur propre musique. Quelque part, je m’inscris dans cette perspective, sans pour autant chercher à imiter les traditions musicales que je pourrais revendiquer en tant que séfarade, petit-fils d’un rabbin originaire du Maroc. Même si j’entends encore en moi les airs de ma bar-mitsvah, je ne m’en intéresse pas moins aux patrimoines des musiques d’Afrique du Nord ou même au flamenco, qui sont finalement très proches, ou encore aux musiques sud-américaines. Je crois que je joue et compose ce que je suis capable de jouer et composer, tout simplement.

- Quelles seraient les influences dont vous pourriez vous revendiquer ?

J’essaye d’étudier la musique en tant que phénomène naturel, à partir de mon patrimoine familial principalement. En plus de mon grand-père marocain, j’avais une grand-mère originaire d’Irak, une autre venue d’Argentine et un grand-père originaire d’on ne sait trop où en Europe de l’Est. J’essaye de trouver les points communs et les différences entre mes différentes cultures d’origine et de les traduire dans ma musique. Je recherche, à travers le jazz, une manière de donner un sens plus universel à ces diverses cultures qui m’ont nourri, que ce soit via les mélodies, les harmonies et les rythmes qui leur sont spécifiques. Je fais en sorte de ne pas perdre de vue le contexte culturel et social dont sont issues ces traditions musicales également, car on ne peut ignorer l’aspect relationnel dans la création.

Or Bareket © Gérard Boisnel

La basse est une ambassadrice

- N’est-ce pas là la fonction principale d’un contrebassiste ?

Tout à fait. C’est le rôle de la basse que de rassembler les éléments musicaux épars d’un groupe de jazz. La basse fournit le contexte et l’architecture. C’est le cas dans la plupart des cultures musicales auxquelles j’ai pu m’intéresser et c’est aussi le cas dans l’échange entre ces dernières. La basse, quelque part, est une ambassadrice. Parfois il m’arrive même de ne pas jouer après une partie en solo, parce que j’estime que j’ai indiqué à mes compagnons de jeu une direction collective à prendre. C’est un peu comme faire une passe en football. Il faut savoir jouer en équipe. Je pense également qu’il y a toujours quelque chose d’un peu miraculeux à produire de l’art à partir du simple fait de toucher un instrument comme la contrebasse. Il m’arrive d’avoir la sensation d’être dépassé par ce que je produis avec mes deux mains.

- Quels sont vos projets après cette tournée ?

Cela fait deux ans que je tourne avec le répertoire de mon dernier album. Après la pandémie, le rythme de mes tournées a été croissant. Aussi je crois que, lorsque je vais rentrer à New-York, je vais me poser pour de nouveau composer et, également, concrétiser quelques projets comme sideman pour lesquels on m’a sollicité, notamment avec le vibraphoniste Joël Ross et Leon Parker.