Chronique

Pandelis Karayorgis & George Kokkinaris

Out From Athens

Pandelis Karayorgis (p), George Kokkinaris (b)

Label / Distribution : Driff Records

Tous deux natifs d’Athènes, le pianiste Pandelis Karayorgis et le contrebassiste George Kokkinaris ont a priori de nombreuses choses en commun, à commencer par un goût certain pour la musique improvisée et le jazz le plus libre et le plus contemporain ; les trajectoires, cependant, diffèrent, puisque le premier a quitté la Grèce depuis de nombreuses années pour Boston quand Kokkinaris a largement investi la scène grecque et européenne, travaillant majoritairement dans l’interdisciplinarité (danse, théâtre), ou avec des improvisateurs comme le violoncelliste Emmanuel Cremer. Tous deux ont une approche soliste propre, avec comme dénominateur commun un goût pour l’urgence dont témoigne « Angry Trees Chasing Down The Light », où la vélocité du pianiste et sa main gauche puissante se confrontent aux pizzicati rageurs du contrebassiste. C’est un corps-à-corps, une étreinte qui salue l’équilibre des forces et la perpétuation du mouvement.

C’est un beau dialogue auquel Karayorgis et Kokkinaris nous convient. « Mumbling Urban Poems » est un autre exemple de l’âpre confrontation des musiciens. L’héritage monkien du pianiste transparaît dans les brisures de son jeu, quand l’équilibre du jeu nerveux du contrebassiste est sans cesse remis en question sans pourtant le déstabiliser. Le bois craque, les cordes s’échauffent, voire passent à l’archet sur « Argle Bargle » dans une lente plainte rauque, mais restent d’une rectitude parfaite, sans déflagration inutile. Sur « Tropon Tropoi », George Kokkinaris semble même trouver une relative concorde avec un piano moins vindicatif et même cherchant une relative rondeur que la contrebasse offre avec flegme, soulignant une approche qui doit beaucoup à la musique contemporaine. L’exact revers de « Bumpy » où l’archet s’enferre dans une querelle avec un piano qui agit tel un serpent qui étranglerait sa proie dans un patient tourbillon.

Malgré l’urgence, le duo qui fait paraître Out From Athens sur le label Driff Records, que Karayorgis anime avec Jorrit Dijkstra, sait trouver des moments plus contemplatifs. En solo parfois (« Atrikon ») et dans la très belle conclusion « Out From Athens » où chacun rend les armes avec décontraction. « Athene Noctua », lui aussi évocation directe de la capitale grecque où Karayorgis aime à fouiller les entrailles du piano est un autre instants de douceur. Les morceaux courts de ce disque célèbrent un très beau duo transatlantique où la routine n’a pas sa place.

par Franpi Barriaux // Publié le 25 août 2024
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