Chronique

Mélusine

Chroniques

Christophe Girard (acc), William Rollin (g), Anthony Caillet (eup), Simon Tailleu (b), Stan Delanoy (dms)

Label / Distribution : Babil

Comment chroniquer des Chroniques ? Voici une sacré gageure que nous propose Mélusine, quintet nouvellement nommé parmi les lauréats de Jazz Migration, édition 2019. Supposons qu’il faille faire comme d’habitude, s’intéresser aux dialogues et aux messages, aux forces en présence et à l’air du temps. Mais ces chroniqueurs-là en on fait leur matériel. Autour de l’accordéoniste Christophe Girard, aperçu avec le guitariste William Rollin et le batteur Stan Delanoy au sein d’Exultet, se forme une narration. Un fil continu qui va de légèreté en tension et qui tient beaucoup de l’instrumentarium original de l’orchestre. L’euphonium d’Anthony Caillet, dont le son suave et cristallin sait aussi nourrir les basses, n’y est pas étranger. C’est de loin le personnage central à défaut d’être le narrateur, rôle dévolu aux soufflets de Girard.

La grande surprise de ce second disque paru chez Babil, c’est indéniablement sa taille. Lorsqu’on entame le « Prologue » dans l’intensité d’un roulement de tambour et un alliage entre euphonium et accordéon, on a le sentiment que l’orchestre est plus grand. La part en revient au choix de placer un décor grâce à une rigueur rythmique impressionnante, mais de le chambouler à l’envi au gré des sensations. Ainsi dans « Chapitre 1 », la belle contrebasse de Simon Tailleu s’enroule autour d’un motif répétitif de la guitare ; cette alliance a priori hétérogène entre géométrie et entropie se révèle fort poétique et permet de lâcher la bride à l’imaginaire sur l’aérien « Chapitre 2 ».

L’univers de Mélusine est très vaste, et chaque morceau est presque un monde à lui seul qui s’intègre au précédent pour mieux décrire et dresser un projet global. Dans cette succession, on croit deviner dans « Chapitre 3 » quelques tropismes zappaïens dans la guitare de Rollin, déjà présent dans Kern, leur premier album. Mais c’est une touche, une couleur supplémentaire dans des Chroniques qui mêlent tension et contemplation avec un égal et placide bonheur. Ce disque court est une belle entrée en matière pour un orchestre très égalitaire qui ne s’arrêtera pas en si bon chemin dans son talent pour manier les images. Le secret d’une bonne chronique, dit-on.