Driff Records, trans-continent
Petit portrait du label de Boston
Parmi les labels aux sorties épisodiques, dont la tâche principale est d’accompagner les productions d’un ou de plusieurs musiciens, Driff Records, label basé à Boston, a déjà eu l’occasion de se distinguer. Géré depuis 2012 par Jorrit Dijkstra, un saxophoniste batave installé aux USA et Pandelis Karayorgis, un pianiste du Massachusetts originaire de Grèce. Leur volonté : proposer de « l’improvisation transatlantique ». Avec pour cela une figure tutélaire : Steve Lacy, qui est le sujet de The Whammies, le groupe qui réunit les deux artistes.
Car avant d’accueillir Benoît Delbecq en compagnie de Jorrit Dijkstra, le pianiste et le saxophoniste ont lancé le label avec un sextet où ils se réunissaient entre autres avec Jeb Bishop ou Han Bennink ; une esthétique qui doit tout autant au célèbre soprano qu’à des orchestres comme L’ICP. The Whammies, c’est évidemment le nom d’un disque avec Steve Potts, mais c’est aussi en trois volumes l’une des plus belles explorations de l’œuvre de Lacy, où Dijkstra et Karayorgis mènent les débats collectivement.
Pandelis Karayorgis fait parler de lui depuis de nombreuses années, d’abord en participant aux expériences proches de la musique contemporaine de Guillermo Gregorio avec Mat Maneri. Davantage rompu au travail du quintet, où on le retrouvait déjà en compagnie du contrebassiste Nate McBride dans le célébré System of 5, Karayorgis esquisse depuis quelque temps une réflexion sur le trio. D’abord en compagnie de McBride et Curt Newton à la batterie chez HatHut, puis avec Luther Gray en remplacement de Newton sur Driff Records, avec un Pools très référentiel. Un orchestre ou le pianiste laisse beaucoup de place à sa base rythmique, à l’image de « Entanglements » qui s’ouvre sur la belle musicalité du contrebassiste. Karayorgis ne rechigne pas, d’ailleurs, à faire sa part quand il s’agit de laisser de la liberté à ses compagnons. Ainsi « Blues », qui démarre de la plus classique des façons avant de se morceler et d’offrir de nouvelles pistes.
Cliff, avec le contrebassiste Damon Smith (qui évolue habituellement avec Frank Gratkowski ou Joe McPhee) et le batteur Eric Rosenthal, a une approche beaucoup plus improvisée, qui s’embarrasse moins de la pulsation. On est dans cet entre-deux transatlantique désiré par le label, avec une basse qui utilise beaucoup l’archet et fait de chaque son une échappatoire possible. Mais le jeu de Karayorgis, toujours empreint d’un certain classicisme ou d’une grand douceur, distribue la parole davantage qu’il la laisse en totale liberté (« Trio 2 »). Avec ces disques, Driff Records s’offre un véritable panorama qui reflète la belle unité de ses musiciens.