Papanosh et Minvielle fêtent Prévert
Papanosh et André Minvielle se sont déjà rencontrés, et jouent ensemble depuis longtemps. Dans leurs racines communes, il y a le bal, naturellement. Mais aussi toutes sortes d’influences populaires, cosmopolites, politiques et bien sûr la synthèse : poétique. C’est donc presque naturellement qu’on retrouve le quintet rouennais avec Dédé Minvielle dans une création autour de Jacques Prévert. Si on aime les anniversaires, on se dira que c’est pour les quatre décennies de sa mort. Si l’on révère la poésie, on affirmera que c’est parce que ce croisement gascon-normand avec l’écrivain parisien rentre dans un jubilatoire ordre des choses.
- Papanosh & Minvielle © Franpi Barriaux
Dans le Trianon Transatlantique, petit théâtre de Sotteville-lès-Rouen situé dans le bassin ouvrier de la capitale normande, les paroles de Prévert résonnent avec l’histoire hors des murs. Lorsqu’André Minvielle entonne « Etranges Etrangers », avec une scansion faussement fragile dégageant ce qu’il faut d’émotion pendant que Papanosh harmonise chaque mot, on se souvient que ce texte, que le chanteur interprétait déjà [1], brûle d’une foudroyante actualité. Comme si on y était revenu, à cette époque où l’on peut croiser un Hussard de la farce avec un dindon de la mort, comme s’époumone à le chanter Minvielle dans une bataille homérique entre la trompette à coulisse de Quentin Ghomari et le saxophone de Raphaël Quenehen, fruits d’un bien beau « Cortège ».
Le spectacle crie l’amour du poète, de sa liberté, de son irrévérence, mais sans forcer le trait. Dans les échanges incessant entre la base rythmique (Thibault Cellier et Jérémie Piazza, plus soudé que jamais) et sa propre scansion, il y a de la vie, de l’humour, beaucoup de décontraction, mais en même temps de la justesse et de l’invention. Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a pas de rupture avec Home, le projet parallèle avec Roy Nathanson ; au contraire, on peut y voir une cohérence autour de l’intime et de la Cité. Et à coup sûr un même goût pour les mises en scène folâtres, avec ses petits montages filmiques qui sont projetés en fond de plateau. Tout le monde chante, tour à tour, dans ce spectacle. Même Sébastien Palis qui retrouve son accordéon peu de temps avant le bal qui clôturera cette belle soirée.
Heureux le limonaire / Hurlant dans la poussière / De sa voix de citron / Un refrain populaire / Sans rime ni raison chante-t-on dans « La fête foraine ». Prévert y aurait sans doute retrouvé ses petits.