Portrait

Parabolique, ou la musique des mots

Portrait d’une toute nouvelle formation lyonnaise avec sa chanteuse Claire Rengade


Photo © Christophe Charpenel

Claire Rengarde est auteure interprète, elle a fait de la mise en scène pendant 25 ans pour le théâtre, la musique, le cirque… Depuis 6 ans, elle fait de la performance avec d’autres artistes (danseurs, acrobates, vidéastes), son instrument étant le texte. Elle a aussi publié une vingtaine d’ouvrages. Ce sont les mots, ou la musicalité des mots, qui l’ont mené à cette aventure musicale d’un autre genre, Parabolique, une formation lyonnaise qui réunit avec elle Fred Roudet (trompette), Emmanuel Scarpa (batterie, voix, synthétiseur, trompette, composition) et Boris Cassone (Basseffets, voix, synthétiseur, trompette, composition).

« Quand tu parles c’est du jazz », ces mots de Fred Roudet à la comédienne forment en quelque sorte le point de départ de ce qui deviendra par la suite Parabolique. « Nous venons tous d’univers musicaux bien différents. Nous nous connaissions et nous apprécions tous mais aucun de nous n’avait jamais travaillé avec les autres. Je n’avais jamais été chanteuse d’un groupe, c’est mon premier disque ! » Les quatre musicien.ne.s se sont d’abord retrouvés pour une heure d’impro qui s’est transformée en une après midi, et de là à émergé l’évidence d’un groupe, d’une identité.

L’idée initiale était de se produire sur scène, de faire évoluer la musique, tout en continuant à se découvrir. Mais le confinement et l’annulation des concerts ont poussé le groupe en studio. « L’album a été rapidement une nécessité car il nous donnait une réalisation possible à un moment où tous les concerts étaient annulés, donc il nous donnait un objectif au cas où le spectacle vivant connaitrait plusieurs années de disparition. Puis nous avons enfin commencé à faire entendre notre travail sur scène avec dix-huit dates entre mars et août dernier, où les compositions ont évolué. Mais ce disque est vraiment notre précieux moment de naissance. »

© Photo Christophe Charpenel

Le groupe a commencé à écrire collectivement, d’abord à partir d’improvisations, puis sous des angles différents à chaque fois, avec des morceaux de musiques apportés par l’un.e ou l’autre, et sur lesquels les musiciens travaillaient l’harmonisation. « Pour ma part je passe un temps fou à chercher la musicalité de mon texte. Il y a des choses qui se lisent et des choses qui s’entendent. Pour moi la proposition de l’acteur c’est de mettre de l’air autour du texte, en gros de composer sa partition rythmique en fonction de ce qu’on lui propose. »

Quand il s’agit d’improvisation avec les mots, la méthode est similaire à tout instrumentiste qui utilise son vocabulaire. Claire Rengade n’improvise pas de texte, « C’est un peu comme quelqu’un qui fait de l’électro, je re-écrit avec des ressources. Je me sers dans mes textes, j’ai à peu près 2h30 de texte en moi. Parfois je prends une phrase d’un texte, trois page d’un autre, et je recompose en fonction de la proposition que j’ai. Si c’est une proposition narrative je refais une narration, et si c’est mélodique ou rythmiquement sonore, je peux travailler sur un mot en particulier. »

Dans Parabolique les mots sont au cœur de la conception artistique mais ne sont pas là pour décrire. « Je ne sais pas ce que je fais, mais ce n’est pas grave si je ne sais pas ce que je fais. J’ai 14 ans avec ce projet, je me sens dans un endroit illégitime. Mais je suis avec des gens qui me valident là. Et ce qui est intéressant, c’est que ça fait 25 ans que j’écris, et curieusement, j’ai eu de meilleurs retours sur la compréhension de ce que je cherche dans le texte dans ce milieu là, nouveau pour moi, que dans le théâtre. Au théâtre on me demande où est l’histoire. Là, j’ai l’impression d’avoir enfin trouvé mon pays. Humainement c’est vraiment beau. »