Chronique

Patrick Gauthier

Dans l’entrelacs des Roses-Pierres

Patrick Gauthier (p, celesta, vib, mar, xyl), Antoine Paganotti (voc, perc), Isabelle Carpentier (voc), Himiko Paganotti (voc), Bernard Paganotti (voc), Stéphane Chausse (cl, fl), Éric Mula (tp), Jean-Marc Welch (tb), Véronique Parrault (voc), Margo Corto (voc), Lucia Schreyer (voc), Philippe Drevet (voc).

Label / Distribution : Assai Records

Les disques de Patrick Gauthier sont très rares, on peut même les compter exactement sur les doigts d’une main, si l’on commence par Bébé Godzilla en 1981. Viendront ensuite Sur les flots verticaux (1992), Le Morse (1996) puis, rompant un silence de vingt ans, Clinamens (2016). Schizo, Heldon, Magma, Higelin, Youssou’n’Dour, Aldo Romano, Didier Lockwood sont quelques exemples de ses collaborations depuis près de 50 ans, sans oublier Weidorje, ce groupe éphémère formé avec son ami Bernard Paganotti après leur départ de Magma vers la fin des années 70, et dont l’unique album demeure un objet de culte pour une poignée de fans. On retrouve d’ailleurs le bassiste très présent (réalisation, production et basse) sur le nouvel album du pianiste, Dans l’entrelacs des Roses-Pierres, publié sur le label Assaï de Bertrand Lajudie et Stéphane Chausse.

On s’aperçoit dès les premières mesures que ce cinquième chapitre s’inscrit dans la continuité de Clinamens, qu’il recouvre partiellement d’ailleurs, puisque quatre titres de la cuvée 2022 sont en fait issus de ce dernier, qui n’avait fait l’objet d’aucune diffusion en France (on pouvait toutefois se le procurer au Japon). Une belle occasion de croiser à nouveau le chemin de l’excellente Himiko Paganotti au chant, aux côtés de son frère Antoine qui a pour un temps laissé de côté sa batterie très sollicitée depuis quelques années dans le monde du jazz français (cette facette de chanteur était connue chez lui de longue date, au temps de sa participation à l’aventure Magma dont il était l’une des voix).

Dans l’entrelacs des Roses-Pierres dévoile comme son prédécesseur une musique impressionniste, qui serait celle d’un monde enchanté où piano et voix (principalement celles d’Isabelle Carpentier et Antoine Paganotti) sont les maîtres des lieux, parfois enrichis d’une trompette, d’un trombone, d’une flûte ou d’une clarinette (ici celles de Stéphane Chausse en personne), ou d’autres voix. Les influences assumées sont aussi bien celles de Debussy, Bach, Bartók, Stravinsky, Duruflé que de Philip Glass ou Christian Vander. Elles dévoilent un imaginaire complexe et poétique à la fois, qui serait celui d’un musicien ayant choisi de ne pas s’inscrire dans un mouvement artistique contemporain mais plutôt intemporel. La musique de Patrick Gauthier séduit par sa capacité à envoûter et à tisser des liens entre toutes les époques d’une vie.

Il est délicieux de se laisser emporter dans ce doux tourbillon pour s’enivrer des images oniriques qu’il projette. Voilà un disque précieux, pas seulement parce qu’il est rare mais parce que son créateur est un musicien qui a su dessiner les contours d’un monde qui n’appartient qu’à lui. Il faut le savourer, minute après minute.