Chronique

Viktor Tóth

Tartim

Viktor Tóth (as, fl), Hamid Drake (Dm), Matyas Szandai (b), Ferenc Kovacs (Tp, vln), Mihaly Dresch (ss, fl), Adam Javorka (vln), Gyorgy Jeszenszky (dm)

Viktor Tóth, saxophoniste présenté comme l’un des plus grands espoirs du jazz hongrois, est un musicien créatif qui regarde droit devant lui sans négliger ses influences, Ornette Coleman en tête. [1] Déjà auteur d’un album en 2006 chez BMC Records, Climbing the Mountain, il renoue avec ses comparses pour un disque enthousiaste et nerveux, propre à asseoir sa réputation au-delà de l’Europe Centrale. Ce Tartim à l’image de son jeu, franc et direct, a été enregistré live dans un club de Budapest, comme pour capter une énergie volontairement axée sur l’essentiel : la pureté du son et l’efficacité d’une section rythmique solide et inventive, portée par une complicité qu’on dirait de toujours, même si la rencontre est récente. Sa genèse remonte au festival Mediawave de Györ et à la rencontre fructueuse et élective entre Hamid Drake, percussionniste voyageur toujours en quête de nouveaux sons, Viktor Tóth, altiste fiévreux et volubile, et Matyas Szandai, contrebassiste prometteur de la nouvelle génération qu’on a pu croiser dans le quartet de Kristof Bacsó. Une de ces conjonctions où chacun apporte un morceau d’univers, un langage qui fait tout de suite corps avec les autres.

Tartim en hongrois signifie « terme » - le terme, peut-être, d’une quête épique, naturaliste et colorée où de nouveaux acteurs s’ajoutent au trio de base pour se poser dans la luxuriante quiétude de l’improvisation collective. En effet, la première partie de l’album est l’œuvre du trio, fortement influencé par les racines afro-américaines. Les éclats de Tóth s’enroulent autour d’une rythmique imparable. Sur « Feniz Hoz Felem », il s’emporte dans des solos lumineux soutenus par un Drake en constante tension vers le point de rupture. La couleur doit ici beaucoup à sa propension à imposer dans ses polyrythmies complexes une atmosphère, une couleur ou s’épanouissent les autres pointes du triangle… Puis, progressivement, se joignent au noyau des voix qui se rapprochent du Danube. D’abord le trompettiste Ferenc Kovàcs, dont la nonchalance apporte une touche plus mélancolique puis, sur les ultimes morceaux, plus abstraits, le violoniste alto Adam Javorka, le percussionniste Gyorgy Jeszenszky et l’excellent saxophoniste Mihaly Dresch. Les voyageurs de Tartim explorent alors des sonorités plus hongroises, voire orientales, en une évolution radicale de l’instant, une route nouvelle à arpenter dans le plaisir manifeste de jouer ensemble.

par Franpi Barriaux // Publié le 7 septembre 2009

[1Il convient aussi d’évoquer William Parker, puisque c’est à travers lui que les musiciens de ce disque se sont rencontrés.