Chronique

Quentin Ghomari

Ôtrium

Quentin Ghomari (tp), Yoni Zelnik (b), Antoine Paganotti (dms)

Label / Distribution : Neuklang

Joignant trois musiciens exigeants et assez omniprésents bien que discrets sur la scène hexagonale, Ôtrium évoque de manière assez personnelle le COVID, et surtout la période de latence, d’attente et d’incertitude des périodes de confinement. Si un jour on dresse une histoire musicale de cette période, nul doute que la musique de Quentin Ghomari y figurera en bonne place : dès « Knock Knock » qui ouvre ce premier album du trompettiste de Papanosh, tous les ingrédients sont réunis, de l’impression d’une idée fixe et obsédante jusqu’à une forme de solitude vite cassée par une dose d’humour. Restent ensuite les envies inhérentes à ces moments de contrainte, de l’appel aux vieux maîtres (« Kenny & Jim » ou brille la batterie d’Antoine Paganotti) à des rêveries maîtrisées, tel ce beau « Scratched Disc » qui évoque un 33-tours qui tourne dans le vide d’une fin de face pendant qu’on somnole. Dans ce morceau, la contrebasse élégante de Yoni Zelnik brille par sa précision.

L’élégance, voilà le terme idoine pour la musique de Ghomari, au son toujours très pur et intense. Il y a dans « Charms of Miles’s Skies », une fluidité qui naît entre le contrebassiste et lui. Tous les deux jouent simplement, de manière directe, s’appuyant sur les balais chaleureux du batteur. On sent dans l’approche du trio une douceur qui se mêle à la joie de jouer ensemble. Paganotti a déjà joué avec Yann Loustalot par le passé, et semble avoir une certaine prédilection pour les trompettistes. Dans « Babillages », toujours aussi joyeux, il y a une forme d’exubérance légère, comme une enfance endormie qui se réveillerait au milieu d’une rythmique sérieuse et impassible, bien menée par Zelnik. Une beau portrait en creux de la personnalité du trompettiste, qu’on avait déjà pu entrevoir dans son duo avec Marc Benham.

Enregistré pour le label Neuklang, fidèle à Ghomari depuis son passage dans Ping Machine, Ôtrium est le type de disque que l’on aime retrouver quelques mois après une première écoute et qui conserve toute sa quiétude. Il y a dans cette musique un attachement à l’histoire du jazz sans cependant s’y laisser enfermer (pour cela, le confinement aura bien suffi). En latin, otium c’est le temps libre, le temps pour soi ; avec un r supplémentaire, il devient trio. Quentin Ghomari et ses camarades ont brodé ce temps pour le transformer en une œuvre assez universelle et très poétique. Attachante, en un mot.