Quostet
Granit
Timothée Quost (tp, bugle, comp), Alexandre Labonde (cor), Gabriel Boyault (saxes), Loïc Vergnaux (bcl, cl), Victor Aubert (b), Elie Martin-Charrière (dms).
Label / Distribution : Les Bruits de la Tête
Depuis maintenant six ans, le sextet conduit par Timothée Quost crée un pont entre le jazz et les musiques savantes du XXème siècle, affranchi de toute tentative de « sonner comme », mais privilégiant une vraie rencontre qui ouvre la voie à de multiples perspectives artistiques. Disons-le d’emblée, ce premier album de Quostet est une aventure. Pour le groupe, qui s’offre un périple musical aux confins d’un monde imaginé, mais aussi pour l’auditeur, qui est invité à interagir avec l’œuvre, avec son propre imaginaire. Cultivant l’inattendu à chaque instant, le sextet ouvre plusieurs dimensions à la fois, et on ne sait plus où donner de l’oreille. Une écoute attentive est alors requise, pour vivre l’expérience dans un certain abandon et mieux se laisser surprendre.
Pour Timothée Quost, l’esthétique est un faux problème. C’est l’intention qui prime, et le choix des instruments en découle, non l’inverse. Quostet joue parfois fort, porté par une énergie euphorisante mais jamais cacophonique. Les musiciens laissent s’installer une ambiance et s’en détachent, lui offrent une existence propre. Granit évite tout volontarisme exacerbé qui guette souvent les artistes et peut gâcher l’idée la plus lumineuse. C’est probablement ce qui donne à ce disque une personnalité aussi forte, et en permet la justesse.
C’est justement « Granit », le titre éponyme qui ouvre le bal. Rugueux, massif, résistant, ponctué de rebondissements permanents, de pulsations qui s’insèrent dans un mouvement cyclique, avec des phrases musicales qui forment une effusion qu’un silence peut venir rompre à tout instant : partir d’un rien que le silence incarne, pour créer, façonner ce monolithe, jusqu’à lui donner vie. « An Argoued » joue sur la corde raide, se dépouille doucement pour ne garder que l’inquiétant fil sonore qui en lie les parties. « Tourbillon » porte bien son nom et nous entraîne dans une virée mouvementée, inédite, sur des terres aussi disparates que communicantes entre elles. « Tourne » a cet aspect contemplatif, hors du temps, qui rappelle l’atmosphère des films de Léos Carax.
Une échappée belle, à travers un no man’s land, d’où l’on revient avec le sentiment de n’en avoir pas encore fait le tour. Un album qu’on redécouvre à chaque écoute, car tout est permis avec cette musique qui renouvelle notre imaginaire débridé : ça avance, ça s’interrompt, ça se déchaîne, ça se repose, ça s’alourdit, ça s’éthérise. Mais qu’est-ce que c’est que ça au juste ? Une aventure, définitivement.