Chronique

The Luzern-Chicago Connection

Live at Jazzfestival Willisau

Isa Willis (voc), Jeb Bishop (tb), Hans-Peter Pfamatter (p), Marc Unternährer (tu), Jason Roebke (b), Frank Rosaly (dms)

Label / Distribution : Veto Records

Il y a des jumelages plus excitants que d’autres. Entre Lucerne, au cœur de la Suisse alémanique, et Chicago, agglomération qui compte à elle seule plus d’habitants que la Suisse toute entière, cela ne se limite pas à l’éternel dépôt de bouquet de fleurs et à l’annuel voyage des anciens. Car chacune des deux, à son échelle, est un cœur palpitant de la musique improvisée… Voici quelques mois que Veto Records, le label helvète du multianchiste Christoph Erb propose dans sa collection Exchange un compte rendu passionnant des rencontres entre les musiciens des deux villes.

Pour la première fois, on ne retrouve pas Erb sur le cinquième album d’Exchange. The Luzern-Chicago Connection (TLCC) a d’ailleurs été enregistré au festival de Willisau en 2010, avant qu’Erb n’entreprenne ses rencontres avec la scène de Chicago… Formation représentant à parité les deux cités, TLCC propose une musique free assez traditionnelle quoique très polymorphe. Ce sextet n’hésite pas, au fil de ces sept pièces aux univers très différents selon leur auteur, à visiter un bop assez classique (« Willisau Thing/Poor Feather ») comme des formes plus radicales. Ainsi « Entenparade/How D », écrit par la vocaliste Isa Wiss et le pianiste Hans-Peter Pfammatter. On y retrouve ce dernier dans un champ plus classique qu’à l’accoutumée, et qui cherche dans les tréfonds du piano des profondeurs nouvelles, griffées par la contrebasse de Jason Roebke.

Du côté de Chicago, on retrouve tel quel le remarquable trio du tromboniste Jeb Bishop qui constitue en réalité la colonne vertébrale de cette échange culturel en terres improvisées. Avec le coloriste Frank Rosaly à la batterie et surtout Roebke, Bishop et son jeu de sourdine impeccable structurent le propos parfois dispersé du sextet. Sur « Third Sapin », le morceau dont il est l’auteur, TLCC tangue entre fanfare cabossée à la Max Nagl et frottements d’ostinatos avec le tubiste Marc Unternährer, qui évoquent par petites touches le Wind Quartet de Szilard Mezei. Le jeu de timbres tuba/trombone est au cœur du propos de TLCC. C’est dans « B & P » (Unternährer), véritable découverte de l’album, qu’il trouve sa plus belle expression. Ce combat de growl rythmé par le jeu de gorge d’Isa Wiss rend orageuse la relation entre les deux soufflants avant de revenir à une forme plus apaisée, quoiqu’en perpétuel mouvement. The Luzern-Chicago Connection est un témoignage très intéressant de la vivacité de ces deux scènes jumelles. C’est avec intérêt que l’on attend le prochain épisode des Exchange