Chronique

Sakata/Di Domenico/Damianidis/Yermenoglou

Hōryū-ji (法隆寺)

Akira Sakata (ts, cl, perc, voc), Giovanni di Domenico (p), Giotis Damianidis (g), Christos Yermenoglou (dms)

Label / Distribution : El Negocito Records

L’histoire d’Akira Sakata et Giovanni Di Domenico est désormais ancienne. Cinq ans après leur première rencontre en duo dans le remarqué Iruman, voici le vétéran japonais et le quadra italien dans de nouvelles aventures en quartet. On les avait laissés au milieu d’improvisateurs anglais dans un Live at Cafe Oto, les revoici avec deux musiciens grecs installés à Bruxelles qu’il nous plaît de découvrir : Giotis Damianidis est un guitariste nerveux qui sait aussi bien jouer avec le feu qu’avec les enluminures. Il est également bassiste, et cela se sent dans son approche, qui tient fermement une ligne et ne la lâche pas. Quant à Christos Yermenoglou, c’est un batteur puissant, mais dont le jeu profond ne s’arrête pas à la mitraille. Comme souvent dans les orchestres de Sakata, l’apparent chaos sous-tend une architecture acharnée ; ainsi, dans « 24 :57 », la première improvisation, l’explosion générale au début du troisième tiers du morceau n’est pas une génération spontanée. Elle naît comme un vortex dans les motifs exposés au début du morceau, notamment dans la relation entre le pianiste et le batteur.

C’est la nouveauté qui éclaire Hōryū-ji (法隆寺), nom d’un temple japonais célèbre situé à Ikagura et dernière sortie du beau label belge El Negocito Records : la relation fusionnelle entre Sakata et Di Domenico en engendre une autre, tout aussi forte, entre le pianiste et Yermenoglou. Di Domenico avait l’habitude de beaucoup ornementer les coups de semonce de l’alto, mais la batterie s’immisce dans cette relation, et dans la première partie du disque, cela oblige le piano à frapper plus fort, à favoriser les clusters et les ostinati. C’est ce qui galvanise une montée en puissance dans laquelle Damianidis n’est pas en reste. Cela crée une densité sans tension particulière, avec la sensation inexorable de la coulée de lave.

Sur le second morceau, « 26 :02 », où Sakata délaisse l’alto pour la clarinette, on revient à un format plus classique dans la relation ancienne. Le piano est plus délié, discute davantage avec une guitare qui se plaît dans les décalages et les sinuosités. Une échappée belle de la main droite de Di Domenico dans un ronflement électrique rappelle que le climat peut changer à tout moment, retrouver le quasi-silence comme un recueillement pour mieux laisser le Japonais vocaliser de sa voix rauque un texte nippon qui raccroche finalement à une forme de tradition. Celle du free, omniprésente, mais aussi d’une perspective théâtrale et poétique qui nourrit cette musique étincelante.

par Franpi Barriaux // Publié le 22 décembre 2019
P.-S. :