Chronique

Slug

Namekuji

Himiko Paganotti (voc), Emmanuel Borghi (kb), John Trap (g), Bernard Paganotti (b), Antoine Paganotti (dms).

Label / Distribution : Signature/Radio France

Bis repetita ! Et de quelle manière !
Le premier chapitre de l’histoire de Slug - cette limace qu’on sait aujourd’hui nommer en japonais, puisque tel est le sens de Namekuji - nous avait conquis, en victimes consentantes de son pouvoir de séduction si particulier. La conjugaison hyper mélodique des rêves cinématographiques de John Trap et des élans créatifs d’Emmanuel Borghi, en quête de reconstruction artistique après son débarquement assez brutal de la planète Magma, avaient engendré un univers onirique et plutôt ludique. Une cosmogonie où la science des arrangements des deux musiciens trouvaient en la présence vocale d’Himiko Paganotti - qui suivait son compagnon d’exode depuis la planète Kobaïa - la meilleure alliée possible. Un monde nourri de rock et d’images où chaque chanson était prétexte à une étonnante galerie de trouvailles sonores - captivantes petites bulles rêveuses - magnifiées par la voix d’une artiste de premier plan, au point de susciter de très flatteuses comparaisons.

Namekuji confirme toutes les qualités de son prédécesseur. Mieux, il en étoffe le potentiel créatif en s’appuyant d’abord sur une rythmique haut de gamme qui vient faire de Slug une véritable entreprise familiale : Antoine Paganotti (frère d’Himiko) est à la batterie pendant que papa Bernard Paganotti gronde à la basse. Un puissant renfort, de quoi propulser les rêves un peu plus fort, un peu plus haut, un peu plus loin… Cerise sur le gâteau, ce deuxième album bénéficie du concours de Bruno Letort, directeur artistique du label Signature/Radio France. Sous le charme de cette drôle de limace, il a produit et publie aujourd’hui Namekuji, qui a bénéficié de remarquables conditions d’enregistrement.

Tout au long des quatorze titres qui composent l’album, on se surprend à passer sans la moindre difficulté d’une ballade enluminée tant par les inventions célestes du guitariste John Trap et du claviériste Emmanuel Borghi que par le chant habité et dual - du grave au suraigu - d’Himiko Paganotti, avant de basculer dans l’épaisseur d’un rock puissant où la basse terrienne de Paganotti s’épanouit en rappelant très nettement ses origines. Ainsi de « There Are Things », qui résume à elle seule toute la singularité de Slug. Un condensé d’univers en moins de quatre minutes. Chaque titre est une invitation renouvelée, une projection de couleurs variées et chaudes. Rock, pop, folk ou soul music… Ces classifications ont finalement peu d’importance tant le sentiment qui se dégage à l’écoute de Namekuji est celui d’une identité propre. Il y a, c’est évident, un monde Slug, au-dessus duquel plane - plus encore que sur le premier disque - la personnalité magnétique d’Himiko Paganotti, lumineuse du début à la fin. D’autant qu’elle ne se limite pas à la voix, si belle soit-elle : elle prend aussi part au travail de composition (« Patrick », « Old City »), contribuant ainsi à la définition musicale du groupe.

Mais la vie de Slug, au-delà de son charme intrinsèque, est aussi habitée d’un mouvement perpétuel. Peu de temps après l’enregistrement de Namekuji, John Trap s’en allait confronter son imaginaire à d’autres projets. L’étau Paganotti se referme sur la féconde limace, qu’une nouvelle venue, la guitariste Constance Amiot, tentera de desserrer par ses propres assauts de cordes.

Comme le dit très justement Klaus Blasquiz dans un beau texte illustrant le disque : « Ne comptons pas notre bonheur musical ». Slug cultive l’amour d’un ailleurs enchanté où chaque seconde serait comptée, en effet, mais pour mieux nous surprendre et nous offrir sa vibration atmosphérique, comme un antidote au passé oppressant d’une grande partie de ses membres. Cépadujaze, nous direz-vous ? Quelle importance puisque la vie est là, entre rêve et réalité. Vivement la suite ! Sur scène par exemple.