Chronique

Sun & Rain

Waterfall

Nathaniel Morgan (as), Travis Laplante (ts), Andrew Smiley (g), Jason Nazary (d).

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Sun & Rain est un quartet dont voici la première production discographique. Il est constitué de deux saxophones (Nathaniel Morgan à l’alto, Travis Laplante [1] au ténor), d’une guitare électrique (Andrew Smiley) et d’une batterie (Jason Nazary). Vraisemblablement installé à New York, Sun & Rain est aussi difficile à présenter que sa musique est originale.

Animés, semble-t-il, par la volonté de diriger le groupe de manière collégiale et de ne proposer que les parties les plus abouties de leur travail à la suite d’un long processus de maturation, les quatre musiciens proposent un programme dans lequel on entend un art réfléchi de la composition qui s’épanouit de manière singulière dans une improvisation collective, elle aussi au long cours. À savoir que le déroulé des cinq parties qui constituent Waterfall ne se construit pas sur une matrice à l’intérieur de laquelle il serait possible tour à tour de prendre sa part mais plutôt d’un flux général patiemment travaillé par chacun des intervenants.

En résulte une écriture qui s’écoule en un incessant continuum mélodique qui gonfle comme un torrent. Jalonnées de bifurcations qui recadrent le propos et lui évitent de se cantonner à une sculpture sonore, en soi captivante par la richesse de ses textures et l’entrelacement complexe des différents voies qui la constituent, les compositions savent prendre des dimensions plus larges lorsqu’elles s’orientent vers des terrains inattendus. D’autant plus étonnants, d’ailleurs, que c’est en lui donnant les inflexions en filigrane d’une très lointaine et masquée musique baroque ou médiévale curieusement étirée qu’elle gagne en puissance, reprenant le fil d’une narration grand format tout autant que le prolongement d’une vaste histoire de la musique.

Rien de statique cependant, mais bien plutôt une musique dynamique, voire franchement tonique, qui n’hésite pas à montrer ses muscles et va également emprunter au math-rock du fait d’une guitare nerveuse et bruitiste. Au fur et à mesure s’échafaude ainsi le plan d’ensemble d’un programme qui doit s’écouter d’un seul tenant et vient s’achever à grands cris sur la dernière plage, éloge du déversement sonore et apogée de ce disque surprenant.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 16 mars 2025
P.-S. :

[1Lire le portrait paru dans Citizen Jazz.