Chronique

Sylvie Courvoisier & Mary Halvorson

Bone Bells

Sylvie Courvoisier (p), Mary Halvorson (g)

Label / Distribution : Pyroclastic Records

Parallèlement aux projets multiples des musiciennes en présence, de Chimeræ pour Sylvie Courvoisier à Amaryllis pour Mary Halvorson, on a le sentiment que ce duo est un moment à part. L’occasion pour deux orfèvres de leur instrument, capable de le transcender et de le faire muter de ferrailler ensemble dans des territoires inconnues, même si on les reconnaît pleinement, chacune dans leur rôle. « Esmeralda », composition de Courvoisier en est la radiographie, lorsque le vif-argent de la guitare se perd dans le cours cristallin d’une main droite insatiable avant de revenir à un format plus sage où le piano, concertant et inquisiteur intime une cadence que la guitare poursuit dans les entrelacs des pédales. Voici des artistes qui se connaissent par cœur et se surprennent toujours. Et nous, à l’avenant.

C’est la troisième fois que le duo se livre à cet exercice, et démontre qu’il existe encore moult territoire à défricher entre leurs univers. « Folded Secret », écrit naturellement par Halvorson est l’une de ces contrées où un piano préparé aux touches mates répond à une guitare qui alterne les brisures et un jeu plus classique mais d’une énergie remarquable qui s’amalgame à un clavier aux aigus délestés d’objets. Dans ces morceaux qui alternent les compositions de chacune, on perçoit des façons différentes de raconter des histoires et d’aller chercher l’autre sur un terrain nouveau. Ainsi Sylvie Courvoisier s’amuse à proposer une « Nags Head Valse » assez théâtrale, aux reflets cubistes quand Mary Halvorson joue use de sa guitare comme une chambre d’écho pendant que le piano offre une puissante séquence répétitive qui s’échappe par une main droite véloce.

Il y a une grande sérénité dans l’échange entre des musiciennes qui aiment deviser ensemble. Car ce qui apparaît en premier lieu dans ce Bone Bells c’est un goût commun pour une conversation riche et volontiers affabulatrice. L’imagination est au pouvoir et les instruments nous racontent des histoires, jouent de masques, se perdent dans les ombres mais n’abandonnent jamais un fil aussi sinueux que peut l’être la guitare d’Halvorson. Ce qui pourrait n’être que bêtement virtuose s’offre le luxe du conte et a l’élégance folle de nous tenir en haleine. Une joie qui ne se refuse pas.

par Franpi Barriaux // Publié le 25 mai 2025
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