Chronique

The Drops

Live In Paris

Christophe Panzani (ts,ss), Frederico Casagrande (g), Gautier Guarrigue (dms)

Label / Distribution : The Drops Music

Un an et demi après la sortie de leur deuxième album, The Drops reviennent avec un disque enregistré au New Morning lors de la journée internationale du jazz. Ce soir-là, on a fait tourner les bandes, comme le font souvent les musiciens pour s’écouter, analyser, travailler. Alors, la parution de ce live était-elle préméditée, ou bien l’écoute de l’enregistrement a-t-il convaincu les musiciens de prolonger Spray ?

Plus qu’une œuvre réfléchie, il faut sans doute voir dans ce Live in Paris un instantané de la vie du groupe. La quasi-totalité des morceaux figurant déjà sur l’album studio, l’intérêt de ces versions-ci est la gourmandise décomplexée avec laquelle le groupe les revisite, car elles n’ont subi que d’imperceptibles variations. Et cette fois, pas de possibilité de retouche, de travail de production ! La musique est livrée brute et la valeur ajoutée se situe ici dans le développement des pièces, plus incisives (voir l’énergie rock dont se teinte « Pouf !! »). Le trio semble moins centré, plus ouvert, ce qui influe parfois sur la couleur des morceaux. Citons « L’art du dehors » qui, sous les doigts de Frederico Casagrande, s’enrichit d’influences du monde. On croit entendre un marimba sur l’intro et un steel drum sur le solo, le saxophone de Christophe Panzani orientalise ses lignes avec une inspiration constante, tandis que la batterie semble décider que la bossa nova est une musique d’Afrique. (On se laisse convaincre sans mal car tout est soleil dans cette composition entêtante.)

Le groupe a montré, depuis son premier album, Falling From The Sky, beaucoup de cohérence esthétique. Les constructions autour de motifs cycliques lient cette approche à celle, singulière, que développe Casagrande sur ses propres disques. L’énergie est puisée aussi bien dans le jazz que dans la pop, le rock ou les musiques répétitives. « Live In Paris » est la première trace phonographique de l’arrivée de Gautier Garrigue, qui occupe le tabouret du batteur depuis 2011. Il imprègne la musique de sa personnalité sans en remettre en cause les fondements. On retrouve, dans un équilibre un peu modifié où l’engagement domine (« Le 3eme souffle »), les qualités d’interprétation du trio, avec de belles parties minimalistes, des phrases travaillées patiemment, des idées rafraîchissantes et beaucoup de lyrisme.

Ce concert donne à entendre un groupe mûr et un jeu collectif suffisamment rodé pour s’autoriser la décontraction, voire l’abandon. Souvent suggéré par le passé, le groove se matérialise sous l’impulsion d’Eric Legnini, apparemment ravi de joindre la sonorité moite du Rhodes aux notes nacrées de la guitare sur « Doute(s) », qu’il orne d’un solo funky à souhait, ou sur « Shijuku Gyoen ». 20 Syl (chanteur / animateur du regretté groupe de hip-hop Hocus Pocus et DJ du collectif C2C) s’invite d’ailleurs sur ce titre, accompagné de sa MPC. Les amis sont toujours les bienvenus quand la fête bat son plein.