Chronique

The Hemphill Stringtet

Plays the Music of Julius Hemphill

Curtis Stewart, Sam Bardfeld (vln), Stephanie Griffin (vla), Tomeka Reid (cello)

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Porté par Tomeka Reid, le Hemphill Stringtet est un orchestre qui représente beaucoup pour la violoncelliste, très engagée dans la construction de l’AACM. Mort dans le milieu des années 90, à 57 ans, Julius Hemphill était une figure centrale de la Great Black Music, très impliqué avec Oliver Lake dans le Black Artist Group (BAG). Réputé pour son jeu de saxophone puissant, il était également un arrangeur hors pair, comme en témoigne son travail autour de Mingus pour le Kronos Quartet. C’est ce « Mingus Gold » qui est au centre de ce disque, The Hemphill Stringtet Plays The Music of Julius Hemphill, sorte de mise en abyme subtile pour un quatuor à cordes de facture classique mais à la musique éprise de liberté. On l’entend dans « Revue », qui ouvre l’album avec le violoncelle de Reid et le travail bâtisseur des deux violons, Curtis Stewart et Sam Bardfeld, qu’on avait entendus avec le Sotto Voce de Roy Nathanson.

L’identité de cet orchestre, c’est de capter les rhizomes du blues dans une musique indubitablement chambriste, et d’apporter ce qu’il faut d’entropie pour faire vaciller une écriture faite de rigueur. C’est le travail remarquable qui tangente tout l’album entre Tomeka Reid et l’alto de Stephanie Griffin, une artiste proche de l’univers de Braxton, qui s’offre un très beau solo sur « My First Winter/Touchic ». L’équilibre entre les membres du quatuor et leur capacité à improviser à partir d’un matériel très écrit est la clé d’une mécanique très huilée qui explose sur les « Mingus Gold ».

« Better Get It In Your Soul » est une épiphanie qui s’imprègne à la fois des canons du quatuor de cordes classique et de l’esprit saillant de Mingus. C’est Reid d’abord qui va encadrer le thème, après un très beau travail des violons fait d’enluminures abstraites. Le propos est donc très contemporain mais encore une fois, grâce à Griffin, on retrouve une raucité et une atmosphère rocailleuse. Elle sera le point de départ d’un dialogue coloré entre Stewart et Bardfeld, rappelant le creuset texan commun d’Hemphill et Ornette Coleman. Reid et Griffin sont les axes d’un quatuor qui s’inscrit dans un travail de timbres, le chaînon manquant entre un jazz libertaire et le matériel plus contemporain de Jessica Pavone. « Alice in Wonderland » l’illustre. Cette échappée belle de Tomeka Reid, dans les pas du violoncelliste attitré de Julius Hemphill, Abdul Wadud, compte parmi les moments les plus sensibles d’un album inventif et plein de légèreté.

par Franpi Barriaux // Publié le 25 mai 2025
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