SORBD
Wild Peacock in Transit
Edith Steyer (cl, bcl), Rieko Okuda (p), Isabel Rößler (b), Sofia Borges (dm), Mia Dyberg (as)
Label / Distribution : Relative Pitch
Véritable concentré de la scène radicale berlinoise, SORBD est à son image : libre, international, féministe et spontané, porté par deux musiciennes que l’on avait eu plaisir à découvrir dans Pink Monads, la batteuse portugaise Sofia Borges et la clarinettiste Edith Steyer, longtemps proche de Theo Jörgensmann - c’est elle qui mène bataille sur le long « Liquid Tiles » qui ouvre l’album comme un manifeste. Mais très vite, on comprend que c’est la mécanique générale de l’orchestre qui est à la manœuvre, chacune des membres du quintet étant l’engrenage d’un train filant à toute allure. À ce jeu, la pianiste Rieko Okuda en est certainement le rouage le plus précieux, solidement rivé au travail entropique de Borges. On avait eu l’occasion de la découvrir au sein du Takatsuki Trio Quartett, aux côtés de Silke Eberhard. Elle tient dans cet orchestre un rôle de pilier solide, comme dans « Pen Pong » où elle adoucit l’acidité des soufflants, le saxophone alto scorieux de Mia Dyberg venant s’amalgamer au timbre de Steyer.
C’est la complémentarité (la sororité ?) qui est la clé de SORDB. On avait découvert Dyberg sur le label danois Gotta Let It Out ; elle fait ici un travail de liant qui prend toute son importance dans cette « Graphic Ballad » marécageuse où seuls les anches semblent surnager dans une masse sonore très dense. Pourtant émergent de-ci, de-là, des fulgurances au milieu du ronflement du saxophone, une corde claquée du piano d’Okuda ou un éclat soudain de la contrebassiste Isabel Rößler. Le travail de cette dernière, constant et remarquable tout au long de l’album, en fait une musicienne à suivre absolument. Cela n’a pas échappé à Camila Nebbia qui joue régulièrement avec elle ; on écoutera également son très beau duo avec Ada Benedito sur BandCamp. Ici, c’est dans le très anguleux « Pfaueninsel » qu’elle montre tout son talent, notamment à l’archet.
Les oiseaux sauvages de SORDB sont avant tout absolument épris d’une liberté non négociable et très poétique. Paru sur le label Relative Pitch, ce Wild Peacock In Transit est un ciel ouvert et ceint d’une douceur complexe que peut balayer une soudaine colère, comme un orage imprévisible (« Ende Gelände II ») où les soufflants sont les oiseaux de passage d’une tempête qui ne s’annonce même plus. Une très belle alchimie.