Chronique

Tony Hymas

De Delphes...

Tony Hymas (p)

Label / Distribution : Nato

Fidèle, voire pilier, de la maison nato, le pianiste anglais Tony Hymas revient au disque avec un enregistrement, en solitaire certes, mais peuplé de multitudes. Cinq ans après un hommage émouvant à Léo Ferré, il propose aujourd’hui une traversée éclectique d’un monde de la musique qui est le sien à travers l’écoute de quelques compositeurs aimés de lui.

Partant des origines connues de la musique écrite, le Premier Hymne Delphique, Tony Hymas, construit en effet un parcours d’une belle douceur et d’une grande variété de climats. On croise ainsi Erik Satie, Leoš Janáček, Claude Debussy magnifiquement mis en valeur par un toucher délicat voire lumineux. Les basses profondes contrebalancent des aigus feutrés et légers avec un sens de l’espace qui permet une écoute claire de chaque partie et contribue à la réussite de cet authentique récital.

Les figures de la musique classique ne sont pas seules convoquées. La force du répertoire tient justement dans l’agencement réfléchi de pièces aux registres différents et jamais hiérarchisés. Le pianiste les enchaîne dans une succession apparemment arbitraire mais qui, en réalité, les voit résonner, se croiser et s’éclairer les unes les autres. Entièrement tenues par un style élégant, il donne à cette diversité l’aspect d’un geste intime au choix assumé.

Cette invitation au voyage nous conduit ainsi sur les terres de femmes musiciennes injustement laissées pour compte en leur temps : Marie Jaëll, Cécile Chaminade, Mélanie Bonis, dite Mel Bonis, avec qui le pianiste partage un enthousiasme créateur et une sensibilité artistique. Leadbelly également, de même que Sidney Bechet sont présents, clins d’œil aux origines d’une musique pour laquelle le pianiste en tant œuvré, tout comme les amis croisés sur la route. Jacky Molard ou encore le groupe Ursus Minor sont les représentants de rencontres humaines chères à ce musicien poète.

Enfin “La Complainte du Partisan” et “La Plantita” de Juan Cedrón, écrite pour le film l’Affiche rouge de Frank Cassenti, nous rappellent que chaque création est une résistance et que la musique est le support mélancolique de toute forme de lutte. En cela la présence de Tony Hymas chez nato, qui soigne autant l’objet que le contenu (les peintures qui illustrent le livre sont de Anna Hymas) est, une nouvelle fois, une évidence.