Chronique

Fabrice Moreau Quintet

Double portrait

Ricardo Izquierdo (ts), Antonin-Tri Hoang (as, cl), Jozef Dumoulin (p), Mátyás Szandai (b), Fabrice Moreau (dm) + Nelson Veras (g)

Premier disque en tant que leader ; Fabrice Moreau n’en est pourtant pas à ses débuts. Batteur réputé, musicien demandé, il participe depuis quelque temps maintenant à de nombreuses formations (celles d’Airelle Besson, de Jean-Philippe Viret ou Stéphane Kerecki notamment) auxquelles il apporte une technique indéniable et surtout une sensibilité qui en font une personnalité d’importance. Sens du drumming, mise en espace, élaboration de climats sont mis au service d’un propos concis et toujours juste.

C’est tout naturellement que nous retrouvons ces qualités dans Double Portrait qu’il nous invite à découvrir aujourd’hui. Il y met en correspondance sa pratique de la musique et celle de la peinture qui l’occupe tout autant. La reproduction des œuvres dans le livret montre un travail sur une abstraction épurée ainsi qu’une recherche sur les textures et le dynamisme du geste pictural (ce qui le rapproche, en cela, d’un autre peintre batteur, Daniel Humair qui joue autant des balais que des pinceaux). Transposés à l’art des sons, les principes demeurent les mêmes et les musiciens qui l’entourent s’inscrivent dans une quête de la retenue et de la note juste.

Particulièrement soudée, la paire rythmique, complétée par le jeu gracile de Mátyás Szandai, déploie une surface stimulante faite de rebonds et de courbes engageantes. Les soufflants y naviguent avec une inventivité permanente, un croisement des fers qui est plus de la danse qu’une lutte chez Rodrigo Izquierdo et Antonin-Tri Hoang. Le lyrisme contenu privilégie la poésie et rejette tout lâcher-prise foutraque pour soigner l’élégance. Cette forme de noblesse n’empêche nullement une virtuosité envoûtante que le piano lumineux de Jozef Dumoulin éclaire avec une belle grâce. Invité sur quelques titres, Nelson Veras mêle une forme de cérébralité aérienne à l’ensemble en apportant, un peu plus encore, de la légèreté à des compositions propices à l’évasion.

Signé de la main de Fabrice Moreau, ce répertoire parfaitement cohérent n’est pas un catalogue des possibilités du groupe mais plutôt une invitation au mouvement. Il traverse des climats souvent soutenus, parfois plus nuancés, propices aux interventions de chacun et à la rêverie de l’auditeur. Une rêverie toutefois stimulante, dans laquelle le tempo engage à des voyages subtils immédiatement accessibles.