Chronique

What About Sam ?

Happy Meal

Luís Vicente (tp), Federico Pascucci (ts), Roberto Negro (p), André Rosinha (b), Vasco Furtado (dms)

Label / Distribution : JACC Records

Etre convié à un Happy Meal, forcément, on a tout de suite quelques réticences. L’inconscient parle. On imagine le décor écœurant d’hygiène chimique d’une franchise américaine et les piaillement d’enfants, gavés de sucre et de jouets criards, s’ébattant dans une piscine à balles de couleurs vives. Le Happy Meal auquel nous invite le trompettiste portugais Luís Vicente est bien différent. C’est un repas plein de saveur et de préparations élaborées, effectivement joyeux et appétissant dans un délicieux mélange européen qui fait saliver à peine a-t-on prononcé le nom des membres du quintet, à dominante latine. Après avoir initié un dialogue entre la scène lusitanienne et Eliott Levin de Philadelphie, le label JACC propose une rencontre italo-portugaise à forte consonance francophone. WAS ?, c’est l’acronyme de What About Sam. On ignore qui est Sam, mais on sait qu’il est l’invité d’honneur d’un fameux banquet.

Celui-ci regroupe des familiers. Le saxophoniste Federico Pascucci a déjà enregistré en 2014 l’album CRU avec le batteur Vasco Furtado, et le pianiste Roberto Negro retrouve en Vicente un vieux compagnon du Tricollectif ; ce dernier a signé il y a peu Chamber 4 avec les frères Ceccaldi. Quant au jeune contrebassiste André Rosinha, c’est un nouveau venu à la table des festivités qu’on a notamment pu croiser dans le trio de l’accordéoniste João Barradas. « Torino 1899 », l’entrée de ce gigantesque mezze mijoté dans une tradition largement empreinte de free, est signé par Negro. On pourrait imaginer qu’au regard de leurs discographies respectives, le pianiste de La Scala allait trouver avec Vicente un partenaire très chambriste. Il n’en est rien. Certes, le morceau commence avec douceur dans la pulsation impavide de Furtado. Mais ses levées de batterie sèches et rapides s’accordent bien vite avec un piano fureteur et percussif qui vient épicer l’unité d’obédience clairement colemanienne en fouillant dans ses entrailles. Le titre est long, changeant et même perclus de tension lorsque l’archet de la contrebasse vient échauffer la trompette dont le jeu est quelque fois réduit à un simple souffle.

C’est la même construction méticuleuse qu’on retrouvera sur « Raios de Julho », belle composition de Pascucci où Furtado reste un engrenage solide sur lequel les solistes viennent s’agglomérer. Le son traînant du ténor, légèrement nonchalant, est le contrepoint idéal à une trompette perçante, toujours sur le qui-vive. Les deux soufflants sont extrêmement complémentaires et parfois s’assemblent, jusqu’à donner l’illusion du timbre d’un trombone fusionnel (« Chanting in The Name of »). Un climat voisin de la pétulante frénésie de « Pomme de terre structure et déstructure », le court plat principal collectivement improvisé offert par le quintet. Avec « Oeuf et Tomate sous pression », ce sont certainement les deux plats les plus relevés et ceux qui mettent absolument l’eau à la bouche.Le Happy Meal de WAS  ? n’a rien de la junk food : on en sort rassasié mais gourmand. Quand au petit cadeau, il est à l’intérieur : c’est le disque. Grands enfants que nous sommes.