Chronique

Luís Vicente

Maré

Luís Vicente (tp)

Label / Distribution : Cipsela

Il y a longtemps que le trompettiste lusitanien Luís Vicente anime nos pages. On l’a entendu avec Les frères Ceccaldi (Chamber 4), mais aussi dans le remarquable orchestre In Layers avec le Néerlandais Onno Govaert. Chaleureux, inventif, son jeu est toujours apparu intense et tout près de la rupture, comme une vague qui claque. Ça tombe à pic : une fois seul, comme il l’est sur Maré pour le label Cipsela, c’est à l’onde qu’il s’intéresse. Sa trompette est ample, elle joue avec la polyphonie, elle se perd dans une densité qui se pare d’un écho imposant, dans lequel le clapotis des touches fait office d’écume (« Rampa »)… Un fil insaisissable qui peut se briser ou se faire multiple, voire se tresser avec le temps, pour mieux se renouveler.

On retrouve tout ce qu’on aime du trompettiste dans ce solo très personnel. Évidemment, on songe à ce qu’a proposé Susana Santos Silva dans son solo confiné, parce qu’il y a la même démarche très introspective : se retrouver seul, avec un instrument plutôt rare dans cet exercice. Mais il y a chez Vicente davantage de mouvements et de soubresauts, quand bien même ceux-ci peuvent apparaître microscopiques, voire aux franges de l’invisibilité, comme des filigranes. Ils conservent malgré tout un goût pour la mélodie, voire un certain lyrisme (« Quebra Mar »). La mer est aussi la contrée des poètes, et Luís Vicente en réclame le passeport avec la plus grande des légitimités.

La poésie n’est jamais loin d’ailleurs, pas davantage qu’elle ne l’était avec Fail Better ! inspiré de Beckett. Ici Mare s’habille d’un poème de Fernando Pessoa qui évoque l’immensité et l’écho. C’est en musique que Vicente traduit ces sentiments, en gommant peu à peu toute forme d’abstraction pour se faire plus pointilliste, se plonger entièrement dans le sujet, sans pour autant perdre pied. Mare est à l’image des solos que l’on a déjà pu entendre chez Cipsela, comme le récent Ossos de Valentin Ceccaldi. Une approche intime et révélatrice ; un instant de recueillement.

par Franpi Barriaux // Publié le 31 janvier 2021
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