Chronique

Art Deco

A Soul Message

Gérard Pansanel (g), Doudou Gouirand (as), Michel Marre (tp), Jacques Bernard (b), Denis Fournier (dms)

Label / Distribution : Vent du Sud

Art Deco est un album de Don Cherry, et d’ailleurs on s’y perd : c’est aussi le nom d’un obscur groupe américain. Mais comme le trompettiste est dessiné à l’arrière de la pochette et qu’il est l’auteur de six des onze compositions d’A Soul Message, on se prend à penser que c’est bien de lui qu’il s’agit. Paru sur le label Vent du Sud, ce disque regroupe cinq vétérans de la scène française, dont le batteur Denis Fournier est l’un des acteurs principaux. C’est d’ailleurs lui qui s’illustre sur « Ghana Song », un morceau de Cherry avec Blackwell où la trompette est tenue par Michel Marre et l’alto par Doudou Gouirand. Le tropisme colemanien tendance Ornette est revendiqué, mais hormis crobardé sur la pochette, nulle trace de Cherry (il est mort, ce qui constitue une explication satisfaisante).

Nous avons ici affaire à une famille. Jean-Paul Ricard l’explique très bien dans les notes de pochette de cet album très référentiel et qui déroule les morceaux qu’on imagine joués ensemble pendant des années, à l’image de « Dedication to Thomas Mapfumo » où la guitare de Gérard Pansanel, pourtant très coloriste par nature, se fait plus agressive, notamment grâce à la grande rigueur de la contrebasse de Jacques Bernard. Avec Fournier, qui porte ce projet avec une jubilation évidente, guitare et contrebasse forment une base compacte qui encaisse tous les chahuts à l’instar de « Orient [Tibet] », lorsque les soufflants tournoient comme des tempêtes autour des cimes.

Certes, A Soul Message est tout autant un disque de patrimoine qu’une virée entre copains qui nous entraîneraient dans leur tour d’horizon. Celui-ci ne s’arrête d’ailleurs pas à Cherry, puisque l’album s’ouvre sur une belle lecture de « Welcome » de Coltrane où l’on ne s’étonnera pas de voir la batterie et le saxophone jouer les maîtres de cérémonie. Plus loin, c’est Ornette Coleman qui pointe le bout de son museau pour une lecture très collective de « When Will The Blues Leave ». C’est toute une école et tout un esprit, voire toute une génération qui se retrouve ici. En prime, tout ceci est très bien réalisé… Cherry on The Cake, comme ne disent pas vraiment nos amis britanniques.