Chronique

Rodrigo Amado Motion Trio & Jeb Bishop

Burning Live At Jazz Ao Centro

Rodrigo Amado (ts), Jeb Bishop (tb), Miguel Mira (cello), Gabriel Ferrandini (dms)

Label / Distribution : JACC Records

Figure de la bouillante scène lusitanienne au sein du Luis Lopes Humanization Quartet ou encore du Lisbon Improvisation Players, le saxophoniste Rodrigo Amado est légitimement considéré comme un improvisateur majeur en Europe. De Taylor Ho Bynum et Gerald Cleaver pour le remarquable Searching for Adam à Carlos Zingaro, chaque nouvelle collaboration souligne une musique dont l’urgence n’éparpille jamais l’élégance naturelle. Amado est également photographe, et ses clichés ressemblent à sa musique. Sobres et contrastés, mais toujours en mouvement.

C’est, « tautologiquement », ce mouvement qu’on retrouve sur un album sobrement intitulé Motion Trio (2009), mais le saxophoniste figure aussi avec cette même formation, le batteur Gabriel Ferrandini et le violoncelliste Miguel Mira, sur un bouillant Burning Live At Jazz Ao Centro. Sorti chez Jacc Records, ce dernier témoigne de la rencontre, en 2011, du Motion Trio avec le tromboniste Jeb Bishop (Vandermark 5, et surtout le Peter Brötzmann’s Chicago Tentet).

Au fil du live, on peut goûter chez Bishop, tout en souplesse et clarté, la finesse du jeu de sourdine, qui lui permet de brusques changements rythmiques (« Red Halo ») et libère la véhémence de ses comparses. Confronté à un trio où les timbres du ténor et du violoncelle s’amalgament à ceux d’un batteur coloriste, il étincelle littéralement. Dans « Burning Live », premier et plus court des trois rounds même s’il dépasse le quart d’heure, ce sont les pizzicati hargneux de Mira qui excitent le discours et offrent sa première échappée belle à Bishop, vite rattrapé par Amado dont le jeu naturellement chaleureux devient très vite ardent.

En trois morceaux qui se laissent le temps de la progression et des revirements, Rodrigo Amado et Jeb Bishop devisent et s’admonestent, se doublent ou se croisent, se heurtent ou s’accompagnent. Si l’axe fort reste leur conversation, c’est souvent la base rythmique qui détermine la direction de l’improvisation. C’est dans « Imaginary Caverns » que le Motion Trio et son invité développent le mieux toute la palette de leurs échanges. Ils savent être tonitruants lorsque trombone et ténor s’entrechoquent sous la pression grandissante de cette paire, mais sont naturellement plus pointillistes lorsque Mira sculpte à l’archet la matière brute.

Burning Live At Jazz Ao Centro est la chronique d’une rencontre enthousiasmante ; elle appelle une suite qui se traduira dans les mois à venir par un album studio. Cet apéritif est déjà plus qu’une mise en bouche…