Chronique

Bo Van Der Werf + Jozef Dumoulin

Speaking Kindly

Bo Van Der Werf (bs, ewi), Jozef Dumoulin (Fender Rhodes, claviers, électroniques)

Label / Distribution : PeeWee !

Les accointances sont réelles entre le claviériste Jozef Dumoulin et le saxophoniste baryton Bo van Der Werf. Ils se croisent depuis de nombreuses années sur des projets qu’ils dirigent ou co-dirigent et définissent plus particulièrement leur identité sonore dans cette grande charte esthétique qu’est la formation franco-belge Octurn. Le duo qu’ils proposent aujourd’hui n’est en rien une surprise puisqu’il se situe dans l’exact prolongement de leur pratique précédente, même s’il est l’occasion d’écouter de manière resserrée une relation parfaitement atypique dans le paysage actuel.

Grand maître des claviers, plus précisément du Fender Rhodes, Dumoulin déploie comme toujours des sonorités uniques qui se construisent par accumulation de strates. Dans leur relation mouvante, elles constituent un paysage changeant où les sédiments déposés, totalement poreux, induisent des réactions chimiques permanentes. La plénitude comme l’accident y sont accueillis, voire souhaités, et malgré l’artificialité des machines, elles créent une proposition certes étrange mais organique.

Le souffle puissant et flegmatique du baryton de Bo Van Der Werf, quant à lui, peut alors se glisser à pas feutrés comme un ingrédient supplémentaire de ce plasma sonore. Les basses viennent se dissoudre dans les harmoniques que Dumoulin met en action et agitent un précipité à la contemplation magnétique. Par des mélodies hiératiques qui louvoient au cœur de ces horizons mobiles, évitant un écueil ou brisant la concentricité d’une onde, le saxophone, aussi spectral soit-il, est malgré tout charnel. L’ajout du chœur des moines de Gyuto (clin d’œil direct au disque d’Octurn) ou de bribes d’une berceuse ukrainienne confirme la singularité d’une musique à la dimension transcendantale.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 22 janvier 2023
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