Chronique

Bruno Vansina

Trio Music

Bruno Vansina (as, ss), Gulli Gudmundsson (b), Teun Verbruggen (d)

Label / Distribution : RAT Records

Ces deux dernières années semblent voir une véritable explosion de jeunes musiciens belges qui produisent leur premiers albums. Si on a déjà pu entendre le saxophoniste Bruno Vansina au sein du Flat Earth Society, ce n’est qu’avec ce premier album autoproduit qu’il peut montrer la pleine étendue de son talent. Comme les meilleurs saxophonistes du pays, il a étudié avec John Ruocco, mais plus que d’autres il n’hésite pas à sortir des canons du jazz mainstream contemporain. Il est accompagné par le batteur Teun Verbruggen, bien connu de par sa participation aux groupes d’Alexi Tuomarila, Jef Neve et Pascal Schumacher, sans oublier la Flat Earth Society. De tous les contextes où j’ai pu l’entendre, celui-ci semble être celui où il joue le plus librement. Le bassiste islandais Gulli Gudmundsson est au même plan que les deux autres. Ensemble, les trois musiciens se font appeler VVG Trio. Ils ont joué une fois par semaine au bar anversois Buster’s de septembre à décembre 2003, tout enregistré et effectué un tri présenté sous le nom de Trio Music.

Vansina l’altiste est impressionant de clarté et de concentration : il sait où il va et nous y entraîne avec conviction, une sonorité légère et pleine qui tire vers le ténor et un phrasé souple. Tous trois respirent ensemble, négocient mouvement et quasi-immobilité à trois, et savent mettre en évidence un relief particulier à chaque morceau en découpant et occupant l’espace de manière judicieuse. L’album commence avec le morceau-titre basé sur un vamp de basse mineur qui définit à la fois une forme ouverte et une atmosphère sombre. Gudmundsson s’empresse de s’auto-sampler et de transformer ainsi le trio en quartet ; il répond en pointillés et en apartés aux orientalismes du soprano de Vansina pendant que Verbruggen bruisse. L’album se clôt sur le même type d’improvisation collective fortement interactive, mais sur un mode plus dynamique.

Entre ces pôles, deux Coltrane, deux standards et une composition. « Syeeda’s Song Flute » révèle un potentiel dansant dont on ne la soupçonnait pas. Encore une fois, et mieux qu’ailleurs, Verbruggen fait montre de son habileté à jongler avec binaire et ternaire et à faire swinguer les deux. « Like Sonny » est placé sous le signe de l’impudence de la section rythmique : Verbruggen aggresse une guitare, Gudmundsson lui répond jovialement. Par-dessus, une fois passée l’introduction en improvisation collective, Vansina garde son sérieux avec des lignes égales qui ne prennent tout leur sens qu’à la fin des douze minutes, quand il joue des versions un peu floues de ces mêmes lignes. « Dear Old Stockholm » et « The Nearness of You » mettent en avant les côtés nostalgique et romantique du saxophoniste, aussi convaincant dans le lyrique que dans l’abstrait. « The Nearness of You » laisse transparaître un peu de Cannonball Adderley. Enfin, niché au centre de l’album, l’élégiaque « Lament », qui découle imperceptiblement de « Dear Old Stockholm », et son magnifique solo de basse. Un petit album qui en dit long.