Chronique

Gabriela Friedli Trio

Areas

Gabriela Friedli (p), Daniel Studer (b), Dieter Ulrich (dms)

Label / Distribution : Leo Records/Orkhêstra

Le trio suisse de la pianiste Gabriela Friedli est une machine ancienne. En 2013 déjà, son alliance avec le batteur Dieter Ulrich, qu’elle côtoie dans l’orchestre Billiger Bauer, et le contrebassiste Daniel Studer, montrait déjà une grande solidité. Nous notions à l’époque une vraie cohésion entre contrebasse et batterie, et une force du trio qui masquait néanmoins une certaine distanciation dans l’approche improvisationnelle. A écouter « Mildew Lisa », où la contrebasse fait claquer ses cordes avec une précision d’horloge alors que le piano s’échappe dans une grêle de notes aiguës, il convient de reconnaître que l’implication n’est plus en question : le trio s’engage dans la mêlée et mord la poussière si nécessaire, notamment lorsque la batterie maintient une cadence soutenue qui oblige Studer à se faire plus sec encore.

La recette n’a pourtant pas totalement changé. Batteur et contrebassiste sont toujours l’axe inflexible d’une formation où le piano est libre. Friedli peut chercher ses basses dans diverses échappatoires sur « Miedra », elle a toujours la compagnie de Studer pour lui assurer un guidage rythmique pendant qu’Ulrich apparaît dans des frappes sporadiques. Si au milieu du morceau les rôles s’inversent et Studer montre des signes de nervosité, c’est le batteur qui se range aux côtés de la pianiste. Elle sait aussi prendre seule ses responsabilités, souvent grâce à des ostinati rageurs lorsque l’excitation est à son comble aux prémices de « Masse ». Dans ce morceau, sans doute le plus intéressant de l’album, le trio procède par vagues successives que le piano modèle ou brise, au gré des dispositifs de tension.

Dans Areas, le trio est plus égalitaire que jamais ; chacun trouve sa place, son propre espace vital. « Largo » qui ouvre l’album donne le ton dans une belle discussion entre l’archet et les peaux. Le piano s’intègre, fait voix commune avec la contrebasse qui offre un relief fragile, comme une pellicule de glace. Dans tout l’album, c’est le jeu de Studer qui fascine, et c’est souvent sur les morceaux qu’il a composés que le trio trouve son meilleur dynamisme. Une belle plongée dans la vivacité de la scène zurichoise.