Chronique

ARFI

La nuit des morts-vivants

Loïc Bedel (voc), Olivier Bost (tb, g), Christophe Gauvert (b), Damien Grange (hm, voc), Marie Nachury, Pauline Laurendeau (voc, cl), Willy le Corre (voc, perc).

Label / Distribution : ARFI

Dans un moment où la convergence des expressions artistiques se traduit de plus en plus en actes, il est bon de revenir vers des pionniers de ce choix politique pour découvrir ce qu’ils proposent. On avait pu constater il y a peu avec La ferme des animaux qu’une nouvelle approche de la narration était à l’œuvre. Précurseurs dans la production de ciné-concerts, l’ARFI propose avec La nuit des morts-vivants un concept nouveau : le ciné-concert sans image, pourtant totalement fidèle au totem zombiesque de Romero. De quoi attirer l’oreille et fermer les yeux. Ils sont sept sur scène, à jouer le film avec moult objets et instruments : on retrouve des arfiens de longue date, comme le guitariste Olivier Bost, le contrebassiste Christophe Gauvert ou la chanteuse et claviériste Marie Nachury, souvent centrale dans les projets du collectif. Le résultat est épatant : dans ce qui se rapproche formellement le plus d’une pièce radiophonique, on se projette des images qui poursuivent des plans, même si l’on est pas familier du film de 1968 ; et pour cause : les films de Romero ont toujours été très sonores et doués d’une musicalité particulière.

Le cinéma pour les oreilles n’a jamais aussi bien porté son nom, il se découvre même une dimension tangible, hors de la métaphore. « Ben contre les zombies » se confond entre les indications synoptiques et les effets sonores. La tension est là, non sans un certain humour. Mais il ne s’agit ni de décalage, ni de pantalonnade ; comme le film originel, cette œuvre de l’ARFI se place dans une gestion particulièrement subtile de la tension et une critique sous-jacente de la société de consommation (« La Radio » et surtout « Déploiement des forces »). On se souvient qu’Olivier Bost avait déjà participé à la relecture du Bonheur de Medvedkine, et cette Nuit des morts-vivants concourt à un même amour profond du cinéma, qui réussit ici le tour de force de parler sans images au propre imaginaire et à la propre esthétique de l’auditeur. On ne saurait faire plus intime.