Chronique

Kimmig Studer Zimmerlin & George Lewis

Kimmig Studer Zimmerlin & George Lewis

Harald Kimmig (vln), Daniel Studer (b), Alfred Zimmerlin (cello), George Lewis (tb, elec, fx)

Label / Distribution : Hat Hut

Avec John Butcher, le trio suisse très impliqué dans les musiques improvisées d’Europe Centrale et composé de Harald Kimmig au violon, Daniel Studer à la contrebasse et Alfred Zimmerlin au violoncelle cherchait un son brut. Raw était leur terrain, pensions-nous, celui dans lequel ils ne pouvaient que se réaliser, où le bois craque et grince, où les cordes claquent sans se soucier de la joliesse, qui fait pâle figure face à l’énergie. Vint George Lewis, invité surprise devenu compagnon naturel. Dans « Very Nice », premier morceau qui approche les 20 minutes, on comprend. On plonge sans préambule, même : certes, l’archet de Zimmerlin vient donner de l’élan au pizzicati errants de Kimmig. Évidemment, la contrebasse et le violoncelle structurent toujours les débats. Mais il y a le trombone et les effets de Lewis qui sculptent le son comme autant de canyons vertigineux.

Naturellement, la micro tonalité du trombone est un allié précieux pour un trio de cordes. Elle s’immisce, elle s’instille, elle fait son nid dans le moindre silence ou le plus fragile des feulements du crin des archets. D’ailleurs le silence est presque le cinquième invité, à l’instar de la seconde partie de « Night Walk » ou le jeu de Studer évoque le roulis impavide d’un vieux rafiot après la tempête ; un grain énorme d’ailleurs, nourri par les lames de fond du trombone, qui apparaît comme un écho irréel, modelé par l’électronique. Chaque son est désormais calculé, pesé comme on le fait pour un équilibre parfait. L’apport de George Lewis à l’équipée helvète, c’est le jeu du miroir : il renvoie, à force de coulisse et de programmation, son exact reflet à peine flouté par la brume alentour.

La rencontre de Kimmig-Studer-Zimmerlin avec George Lewis n’est certes pas brute, mais elle ne s’interdit nullement d’être abrupte. Elle reste une musique rêche, saillante, écorchée. Le tromboniste ne faisait pas partie des Zurich Concerts de Studer, mais l’on sent une proximité du contrebassiste avec son prestigieux invité. Tout au moins une admiration réelle, qui se traduit par une immersion parfaite dans une univers topographié et manifestement totalement connu des hôtes suisses. On pensera notamment à rapprocher se disque d’un précédent de Studer, également paru chez HatHut, Extended for Strings & Piano, très proche de la musique contemporaine. Une expérience intense.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 octobre 2020
P.-S. :

Écoutez un extrait

Écoutez un extrait