Chronique

Gaël Horellou

Tous les peuples

Gael Horellou (as), Nicolas Beaulieu (g), Florent Gac (el org), Vincent Philéas (perc, voc), Vincent Aly Beril (perc, voc), Emilie Maillot (perc, voc), Fredo Ilata (perc), Maxence Emprin (ts), Teddy Doris (tb), Pascal Bret (voc)

Label / Distribution : Breakz

Huit titres incandescents entre jazz et maloya comme une ode au métissage de La Réunion. Entre le saxophone ô combien sulfureux de Gaël Horellou et les rythmes fiévreux de l’île francophone de l’Océan Indien, les hymnes s’empilent dans une sarabande créole avec ce second volet de la saga « Identité » commencée en 2014. Saluons la verve rock du guitariste réunionnais Nicolas Beaulieu, fourbissant des riffs quasiment hendrixiens bien sentis, sans se départir d’un sens du jeu africain bien senti (rappelant quelque blues malien). Mention également à l’organiste Florent Gac, compagnon de route du saxophoniste, qui sait amener l’orchestre dans des retranchements plus que dansants, sans jamais se départir d’un grand sens de la mélodie et du rythme (puisque c’est lui qui fourbit ces basses ravageuses). La douceur des alizés souffle dans tous les cas sur l’ensemble : comme en transe, Horellou combine parfois son sax alto avec un sax ténor et un trombone dans des tutti ravageurs, mais c’est bien lui le maître de cérémonie.

Convoquant les esprits du blues (« Ti Zafer », « Kraz Maloya » : les introductions sont des perles de notes bleues, et le solo sur ce dernier est d’une force émotionnelle rare), mais aussi de la magie noire qui imprègne les croyances populaires de l’île, il se met dans la peau d’un chamane du jazz universel, conférant toute sa dignité à ce genre musical trop souvent ravalé au rang de folklore qu’est le maloya (« Gigue créole »). Gourmand assumé, il nous propose sa recette musicale d’un « Cabri Massalé » avec force notes piquées comme autant d’épices tropicales, les allongeant pour mieux nous en faire apprécier le fumet lors de la cuisson, avec un sens de la syncope qui fait saliver… il n’y a plus qu’à déguster ! L’assemblage de la mélodie délicatement cuivrée avec les percussions n’est pas sans rappeler quelque rituel émancipateur, tant la créolisation est de mise et la communion avec le public sans pareille (la plupart des titres sont enregistrés live, avec un son impeccable).

Si le saxophoniste signe la plupart des titres, il sait laisser la parole à ses partenaires, notamment percussionnistes et chanteurs, comme s’il ne pouvait que s’incliner devant la puissance des Tropiques, les saluant d’un solo poignant au détour d’un « Véli » d’anthologie. La force poétique émanant du sax du leader vient d’une féroce envie de chanter et on le sent pris d’un irrésistible besoin de conter sa rencontre avec « Tous les peuples » qui sont la chair et l’âme de La Réunion.