Chronique

Guéreau-Buronfosse-Garrigue

So Predictable

Etienne Guéreau (p), Marc Buronfosse (b), Gautier Garrigue (dms)

Label / Distribution : Inouïe Distribution

Adoubé par Bojan Z qui signe d’élogieuses notes de pochette pour ce premier album en trio, le pianiste breton Etienne Guéreau présente avec So Predictable un des plus beaux attelages que le jazz français puisse proposer pour cet instrumentarium balisé et référentiel. Beaucoup découvriront le sens de la mélodie du pianiste sur « A No Brainer », une composition où le triangle se révèle fort isocèle mais où la vélocité de la main gauche de Guéreau est la meilleure alliée du batteur Gautier Garrigue, plus coloriste que jamais. On est ici dans une musique fluide, très cinématographique, où le jeu reste tout à fait central ; la complicité de Guéreau avec le contrebassiste Marc Buronfosse est idéale, ainsi qu’on peut l’entendre dans le remarquable « So Predictable » où piano et contrebasse font un pas de deux des plus légers, profitant encore de l’approche mélodique de Buronfosse, aux pizzicati de plume.

Les deux musiciens se connaissent au moins depuis 2019, lorsque Guéreau est intervenu dans le trio - encore : une forme qui lui va comme un gant - de Georges Paczynski pour Les Voix du Silence. On perçoit chez eux, tout comme chez Garrigue, une inclination pour la chanson... Guéreau n’est pas le dernier à user de voix intérieures quand il joue, marmonnant le thème comme pour donner davantage de dynamique. C’est l’évidence pour « Nature Boy » qui clôt l’album avec une pointe de nostalgie. Le piano est léger sans tomber dans l’écueil du suave, ni de la démonstration. Juste un velours sur lequel la relation Buronfosse/Guarrigue se repose sans rien perdre d’une certaine tension, les cymbales restant assez offensives, comme pour maintenir le trio loin des tentations trop sucrées.

Non sans humour, c’est au milieu de l’album que ce goût pour la chanson trouvera son exemple le plus flagrant. « Étienne » n’est pas une composition sur le prénom du pianiste, mais bien la reprise de la scie de Guesch Patti dans une version qui baguenaude loin du thème grâce notamment à un Garrigue très inventif. Sans renverser la table, Guéreau signe avec son trio un véritable album d’artisan jaloux des beaux objets et expert dans l’art du trio. Sans nul doute, des compétences qu’Étienne tient particulièrement bien.