Chronique

Hugo Lippi

Comfort Zone

Hugo Lippi (g), Fred Nardin (p), Ben Wolfe (b), Donald Edwards (dm)

Label / Distribution : Gaya Music

Exilé dans l’Hexagone bien avant le sinistre Brexit, le guitariste Hugo Lippi, installé au Havre depuis l’âge de dix ans, pourrait dérouler un CV plus long que ses deux bras. Son assise rythmique et sa sensualité mélodique, rappelant la virtuosité d’un Tal Farlow, voire le talent communicatif d’un Kenny Burrell, lui ont permis d’évoluer aux côtés des musicien.ne.s les plus capé.e.s (de Michel Legrand à Christian McBride). Pour son quatrième album en tant que leader, il se délecte à nous convier dans sa zone de confort.

Il retrouve notamment son « vieux » complice le pianiste Fred Nardin : leur compagnonnage n’est pas sans rappeler les sessions torrides de Wes Montgomery et Wynton Kelly, qui, parmi les premiers, surent tirer la substantifique moelle d’un assemblage présumé risqué entre ces deux instruments harmoniques. Assemblage qui prend ici la forme d’une dialectique sur « Manoir de mes rêves », comme s’il avait fallu un standard de Django, originellement sans piano, pour que ces deux jazzmen européens sortent justement de leur zone de confort, non sans quelque traitement latin du meilleur aloi. Le contrebassiste et le batteur, qui ont fait leurs armes sur les bancs du Jazz at Lincoln Center, cette académie du jazz dirigée par Wynton Marsalis, délivrent des pépites. Les deux solistes n’ont dès lors plus qu’à se lancer dans des joutes dans lesquelles la guitare reste maîtresse des (d)ébats. Hugo Lippi fait de son instrument un chant tantôt mélancolique (magnifique interprétation du thème sur « Here’s That Rainy Day », solo résilient sur « God Bless The Child » où l’on se surprend à fredonner les paroles originelles de Billie Holiday), tantôt groovy (l’interprétation à la guitare du thème de « Freedom Jazz Dance », du saxophoniste Eddie Harris, en restitue tout le suc de manifeste émancipateur).

Quelques interludes en solo ouvrent les rideaux au-delà de la zone de confort dans laquelle nous convie Hugo Lippi. On aimerait qu’il explore davantage ces territoires dans un prochain opus, histoire de nous déconfiner davantage.