Scènes

Always in Nevers

Compte-rendu du D’Jazz Nevers Festival 2022


© Christophe Charpenel

36e édition pour l’un des plus célèbres festivals de jazz français. La cuvée 2022 s’est tenue du 5 au 12 novembre.

Le soldat bourguignon de la corpo CJ ne pouvait pas rater le meilleur festival de jazz de la région : dans la capitale nivernaise, j’ai assisté aux concerts du D’Jazz Nevers Festival du mercredi 9 soir au vendredi 11 midi.

Mercredi 9 novembre, début des hostilités avec le Space, Time and Mirror de l’accordéoniste Christophe Girard. Belle équipe autour, avec Amaryllis Billet (vln), Élodie Pasquier (cl), Anthony Caillet (euphonium), Claude Tchamitchian (b) et François Merville (dm). Beaucoup de surprises dans ce sextet qui tisse sa toile entre mélodies folkloriques et jazz de chambre. Pouvoir et contre-pouvoir de la chaleur de l’euphonium de Caillet qui vient adoucir les tentatives plus libertaires de Pasquier et de Billet. Les arrangements sont superbes, et les longues pièces sonores s’enchaînent agréablement.

Thomas de Pourquery « Supersonic » - Christophe Charpenel

Je continue ma soirée avec le projet du saxophoniste François Corneloup, Noces Translucides. Accompagné de l’un des maîtres de la musique traditionnelle bretonne, Jacky Molard (vln) et en compagnie de Sophia Domancich (cl) ainsi que de Joachim Florent (b), la musique colorise subtilement la photo de Le Querrec, projetée à l’arrière. Sorte de cliché illustrant la fin et le début d’une époque, re-interprété par le texte lu en live par la comédienne Anne Alvaro. Moment agréable, où on se laisse bercer par ce grand montage de Corneloup à la vue, à la voix, aux vents.

Jeudi 10. Je débute par le projet Suzanne du trio Maëlle Desbrosses (alto), Hélène Duret (clarinette basse) et Pierre Tereygeol (g). J’aime beaucoup l’univers chambriste et libertaire de Suzanne, entre musique contemporaine et inspiration folklorique. La différence ici, c’est que tout est à pas feutrés, délicats, dans son écrin sensible. Presque, ça manquerait un poil de se lâcher pour faire exploser cette Suzanne qui ne demande qu’à sortir, bien nourrie par la savante combinaison des trois identités. Chouette.

Le GRIO - Christophe Charpenel

Je continue mon aventure avec le meilleur concert : le GRIO. Là, artillerie lourde : Aki Rissanen (p), Gérald Chevillon (saxes), Damien Sabatier (saxes), Antonin Leymarie (dm), Joachim Florent (b), Simon Girard (tb), Fred Roudet (tp, bugle), Aymeric Avice (tp, piccolo, bugle). L’orchestre sonne comme un seul homme. Les arrangements sont millimétrés sans pour autant sonner factices. Les compositions de Joachim Florent sont magnifiques, à l’instar de ce « Frida Kahlo Song of Love ». Une belle fusion, entre hard-bop, free, lyrisme, dans une instabilité furieuse et flamboyante. Du bon, du beau.

Terminons la journée par Supersonic de Thomas de Pourquery, sous-titré Back to the Moon. On y retrouve le saxophoniste avec Laurent Bardainne (ts, synth, voc), Fabrice Martinez (tp, bugle, voc, perc), Arnaud Roulin (piano, synth, électronique, perc), Frederick Galiay (b, voc), Edward Perraud (dm, voc, électronique). Les références à Sun Ra et à la cosmologie de l’afro-futurisme sont évidentes et donnent une jolie ambiance au show, renforcée par le charisme de Pourquery. Tout ça dans un prisme pop, pleinement assumé. Le spectacle est plaisant, même si on manque un peu de dynamique dans les échanges. Pour les yeux et en écoute capsule, ça fonctionne.

Bruno Lapin - Christophe Charpenel

Juste avant le retour au sein de la Cité des Ducs, rendez-vous au Théâtre le vendredi midi pour voir Bruno Lapin, avec Sophie Bernado (basson, voc), Joce Mienniel (fl), Clément Petit (cello). L’assemblage des identités est plaisante, sorte de croisement entre un univers poétique surnaturel et de la musique improvisée. Chaque instrument se détourne. Si on parle de lapin, les chiens ne font pas des chats : au basson et au violoncelle, des ondes graves, des grooves, pour laisser l’escaladeur Mienniel dans les hauteurs. Musique complexe, accession simple, pari réussi.