Chronique

Jacky Molard Quartet

Suites

Jacky Molard (vln,vla), Yannick Jory (as, ss), Hélène Labarrière (b), Janick Martin (acc)

Label / Distribution : Innacor

Comme beaucoup de musiciens investis dans les musiques dites traditionnelles, le violoniste Jacky Molard garde une porte constamment ouverte sur le monde. Ce breton empli de la culture et des traditions de sa terre natale cherche avant tout à multiplier les rencontres, les voyages, et se sert souvent du jazz comme véhicule. Fondateur du label Innacor en compagnie d’autres nomades, tel Erik Marchand, il propose une musique qui ne longe pas les chemins factices de la « World Music », synonyme de toutes les mises en normes, mais pérégrine à travers les langages de chacun pour y déceler de nouveaux horizons. Ce fut le cas avec N’Diale, précédent album qui mêlait son solide orchestre au n’goni mandingue et au style wassoulou de la chanteuse Foune Diara.

Avec Suites, le Jacky Molard Quartet se recentre sur une musique gaélique qui ne s’interdit aucune échappée belle. En compagnie de la contrebassiste Hélène Labarrière, dont le jeu lumineux est un pivot solide autour duquel les musiciens s’arriment, Molard peut imaginer une musique fureteuse et très collective. Comme pour Noir Lumière, le disque de François Corneloup sorti chez Innacor, il se charge aussi du mixage et capte avec précision la finesse de sa comparse au sein du constant jeu de timbres entre le violoniste, l’accordéoniste Janick Martin et le saxophoniste Yannick Jory. Ensemble, ces musiciens semblent pouvoir tout se permettre, de l’étourdissement de « Thrace », traditionnel bulgare en 22/8 qui se termine en orgie de sons, jusqu’à la fausse simplicité de « The Quartet’s Reel » qui clôt l’album.

Au fil de ces trois suites, auxquelles s’ajoute le très beau « Viola », comme un carrefour au centre de l’album, le quartet voyage de mesures impaires glanées çà et là (« Impair ») en abstractions oniriques (superbe « Alfred », dans la suite justement nommée « Onirique »). L’album s’ouvre sur « Dourtan/Gwenn », libre chevauchement d’une composition personnelle et d’un traditionnel du pays vannetais, si bien imbriqués qu’ils font corps. C’est tout le propos de Suite - et du quartet : mélanger les voix individuelles afin de trouver une robuste cohésion dans l’hétérogénéité apparente et agir en toute liberté. Libre, le quartet de Jacky Molard l’est indubitablement, dans ses influences comme dans son approche de la tradition. C’est là ce qui rend ces Suites si captivantes.