Chronique

Jean Dousteyssier

Post K

Jean Dousteyssier (cl, b-cl), Benjamin Dousteyssier (as, ts), Matthieu Naulleau (p), Elie Duris (dm)

Label / Distribution : ONJAZZ Records

On aime le travail de déconstruction/construction du groupe « Un Poco Loco » appliqué au bop. On se réjouit de voir appliqués ces mêmes principes, à la fois amoureux et désireux de renouveler les figures, au jazz des origines.
Post K, c’est pour signifier l’après Katrina.
Et rien n’est plus juste en effet, après l’ouragan, que de vouloir, non pas refaire la même chose (reconstruire à l’identique), mais littéralement bâtir autrement, sur et avec des restes qu’on exhume, des bribes qu’on rejoue, des matériaux qu’on invente, des figures qu’on magnifie. Il y a quelque chose d’enragé dans ce quartet, comme il y avait quelque chose d’excessif, et de dérapant déjà, dans les arrangements originaux. J’ai fait écouter des extraits de ce disque avant sa sortie officielle à des amateurs de free (et de frissons) : ils n’en sont pas revenus, tant ils y ont retrouvé les origines à la fois intactes et totalement renouvelées. C’est aussi fort et fou que le « Sleepy Time Gal » de Lunceford, mais appliqué à des pièces comme « Chinaboy », « Honeysuckle Rose » ou « Struttin’ With Some Barbecue » et « Dans les rues d’Antibes ». J’ajoute, m’appuyant sur les dires d’un connaisseur (le batteur Guillaume Nouaux) que cette musique de la Nouvelle-Orléans n’est jamais restée stagnante, immobile, mais qu’elle a vécu et bougé avec le temps. Si les membres du groupe « Post K » faisaient le voyage là-bas, ils se tailleraient un franc succès, j’en suis absolument persuadé.

Certains se demandent peut-être à quelle dose de gâtisme je suis parvenu récemment. En effet, aimer le jazz ancien, aimer TOUT le jazz dans son histoire, rien que de très normal et même, à mon sens, nécessaire. Mais se mettre à vanter les mérites de l’Umlaut Big Band, ou de Bastien Stil à la tête de son « Spirit Of Chicago Orchestra », quand ce n’est pas la musique et les musiciens de la présente chronique, voilà qui est peut-être plus étrange. Évidemment il n’en est rien. Mais pour cela encore faut-il écouter la musique produite par ces jeunes gens et ces jeunes filles, qui sortent des conservatoires avec des formations irréfutables, et se lancent dans des projets aussi fous que divers, articulés sur l’extrême contemporain, ou l’extrême relecture, avec la même vigueur, la même intelligence, le même culot. Pour moi, aujourd’hui encore et toujours, le groupe WATT [1] et son heure de musique improvisée à quatre clarinettes-basses et le présent disque, même « combat » !