Chronique

Novembre

Calques

Antonin-Tri Hoang (as), Romain Clerc-Renaud (p), Thibault Cellier (b), Elie Duris (dms)

Label / Distribution : Label Vibrant

Il y a deux façons d’envisager les Calques. D’abord la feuille translucide qui sert à l’étude, à la reproduction, au sillage du trait dans lequel on s’inscrit ; ensuite ces calques qui s’empilent pour animer un mouvement ou retoucher une image. De tous ceux là, Novembre n’en manque pas, et les deux acceptions se chevauchent avec audace, en témoigne le saisissant « Waveform ». Dans ce morceau court, la contrebasse de Thibault Cellier, taulier de Papanosh, et la batterie d’Elie Duris, aperçu dans MeTaL-O-PHoNe, viennent griffer le souffle plein de scories de l’alto d’Antonin-Tri Hoang avec une sensation d’éternel recommencement entrecoupé de rages soudaines dans lesquelles chaque soliste s’engouffre tour à tour.

Né de la rencontre de musiciens d’une même génération qui gravite autour des collectifs hexagonaux, le quartet assume avec vigueur de s’engager sur une ligne de crête très fine. Elle relie avant tout le jazz le plus libertaire, incarné par « Traques », où l’alto s’entrechoque à chacun de ses comparses tant il cherche une sortie, à une musique contemporaine aux reflets chambristes, tel ces « Herbes luisantes » très contemplatives. Dans la majorité des titres, c’est Romain Clerc-Renaud qui induit cette atmosphère. Le clavièriste de Bribes avec Geoffroy Gesser, membre du Coax Collectif, offre beaucoup d’espace à ses comparses. La main droite est ferme, vindicative parfois (« Trois Figures »), mais ne craint pas de jouer avec le silence. Avec Hoang, le pianiste se partage la signature de la plupart des morceaux.

Au sein de Novembre, l’ancien saxophoniste de l’ONJ mouture Yvinec apporte ce goût pour les petites mécaniques de précision qu’il avait expérimenté avec l’Aum Grand Ensemble. Hier est un modèle du genre. Chaque timbre est pesé, habilement mélangé pour paraître naître d’un autre instrument : la batterie d’un cliquetis des clés du saxophone, la contrebasse puissante de Cellier d’une goutte cristalline du piano, et ainsi de suite jusqu’au brassage foutraque. Une affaire de calques, là encore, comme ceux dessinés par Lison de Ridder qui ornent l’intérieur du disque paru sur le Label Vibrant. Enregistré en grande partie en concert par Matthieu Metzger dans le défunt club rouennais Le Chat Vert en 2013, Calques se conçoit comme un travail en cours qui évoluerait en même temps que les musiciens. En Novembre, les feuilles tombent et s’agglutinent. Notre quartet les ramassent dans ce précieux herbier. Les couleurs leur vont à ravir.