Chronique

Aki Takase

New Blues

A. Takase (p, arr), E. Chadbourne (voc, g, bjo), R. Mahall (b-cl), Nils Wogram (tb), Paul Lovens (dm), guest : A. Von Schlippenbach (tp)

Label / Distribution : Enja Records

Aki Takase fait partie de ces musiciennes qui, à l’instar d’un David Murray par exemple - avec lequel elle a réalisé de magnifiques duos très emportés -, réunissent dans leur jeu, dès l’origine, la plus grande liberté de ton et de forme associés à un parfum traditionnel manifeste. Dès son « déboulé » sur la scène à l’époque de son association avec Maria João, elle manifestait cet art conjugué de la virtuosité pianistique et du jeu avec les codes, préparant son piano, lui ajoutant divers objets destinés à en subvertir la fonction première, et n’hésitant pas à lui rentrer dans la chair pour en tirer des sons inouïs.

Depuis quelques années, elle s’emploie à revisiter le jazz des pianistes « stride » comme Fats Waller, Jelly Roll Morton ou James P. Johnson, et elle a trouvé en Eugene Chadbourne le partenaire idéal : banjoïste, guitariste et chanteur profondément indépendant mais très au fait de tout le répertoire jazz, blues, rock et même au-delà, il s’inscrit dans le moule wallerien avec une faconde et un sens de l’humour réjouissants. Comme Paul Lovens sait aussi avec dextérité et un grand sens de la couleur manier les effets de batterie « à l’ancienne », le groupe a connu de vifs succès sur disque et en concert, et ce deuxième CD après Aki Takase plays Fats Waller (2004) est aussi excitant que le premier, avec ici ou là quelques innovations bienvenues.

On ne peut néanmoins s’empêcher de rappeler que nous avons en France deux pianistes (Stéphan Oliva et François Raulin), qui ont su s’engager sur la voie des retrouvailles avec les mêmes musiques sur un registre à notre sens plus convaincant, finalement tout aussi ludique, mais plus authentiquement travaillé. Et leur répertoire méritait vraiment une diffusion plus large…